Publicité
L'article provient de Le Journal de Québec
Politique

«Tout ça pour ça?»: voici comment le contenu de l’entente de principe pourrait améliorer le sort des élèves... ou pas

L'offre comporte quelques bonnes mesures, mais ce ne sont pas tous les jeunes qui pourront en bénéficier

Les enseignants de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) sortent d'une grève générale illimitée qui a duré près d'un mois.
Les enseignants de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) sortent d'une grève générale illimitée qui a duré près d'un mois. Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
Partager
Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2024-01-22T05:00:00Z
2024-01-22T13:44:17Z
Partager

Les gains obtenus par les enseignants lors des négociations avec le gouvernement sont-ils aussi décevants qu’on le dit? Certains pourraient-ils permettre d’améliorer le sort des jeunes sur le terrain? Alors que plusieurs syndicats ont rejeté l’offre jeudi, Le Journal a interrogé des intervenants afin de vulgariser le contenu de l’entente de principe de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Leur verdict: tout ça pour ça? «Ça ne va pas révolutionner les services aux élèves», constate Sylvain Martel du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ).

Les déceptions

1) Une aide à la classe qui ne concerne que les tout-petits

Québec veut ajouter 4000 aides dans les classes du primaire et de la maternelle à raison de 10 à 15 heures par semaine dès 2024-2025. Cette idée faisait déjà l’objet d’un projet-pilote très apprécié sur le terrain. Des éducatrices viennent ainsi aider les élèves qui sont encore dans l’apprentissage de l’autonomie: organiser son bureau, sortir le bon cahier, s’habiller pour la récréation.  

Le gouvernement en a fait une mesure phare, mais elle ne concerne que les petits. Aussi, quand on ramène les chiffres à l’échelle des quelque 2000 écoles primaires que compte la province, on réalise que ce ne sera pas toutes les classes qui y auront droit. «Il y a des choses qui sont susceptibles d’être bonnes pour les élèves... pour ceux qui pourront en bénéficier», ironise Geneviève Sirois, professeure au département d’éducation de la TÉLUQ. 

Publicité
2) Seuils de difficultés trop élevés

L’enjeu qui suscite le plus de grogne ces jours-ci, c’est la composition de la classe ordinaire. Trop souvent, elle comprend une proportion démesurée d’élèves à défi, qui ont un plan d’intervention ou qui ne maîtrisent pas encore le français.  

Lorsque la cohorte d’un niveau comprend une trop grande proportion de difficultés, l’entente prévoit qu’un mécanisme s’enclenche pour ouvrir de nouvelles classes et ajouter des ressources. À la FAE, le seuil est établi à 60% au primaire et à 50% au secondaire.  

Ce seuil aurait dû être de 25% à 30%, estime Mélanie Paré, professeure au département de psychopédagogie de l’Université de Montréal. De plus, quand l’ajout de ressources ou l’ouverture de classe est impossible, l’entente de la FAE prévoit le versement d’une prime de 4000$ ou 8000$ aux profs. 

Pour plusieurs intervenants, cela revient à écrire noir sur blanc qu’on se résigne à ne pas répondre aux besoins de tous les élèves. On peut aussi s’attendre à ce que cette clause entraîne une multiplication des plans d’intervention.  

  • Écoutez le commentaire de Richard Martineau avec Jean-François Guérin via QUB :

3) Où sont les professionnels?

Mais où sont les orthopédagogues, orthophonistes, psychoéducateurs, psychologues et autres professionnels qui pourraient venir épauler les profs et aider les jeunes à progresser? On n’en trouve aucune mention dans l’entente de la FAE.  

Publicité

«Je me demande si c’est vraiment dans une convention collective qu’on doit en parler [...] Les services de soutien aux enseignants sont sous-développés au Québec», remarque Mélanie Paré. Par exemple, on pourrait ajouter la présence d’orthopédagogues à certains moments en classe pour enrichir l’enseignement.  

«Je ne vois pas beaucoup de changements organisationnels», constate aussi Sylvain Martel, porte-parole du RCPAQ.  

4) Craintes autour des classes spécialisées

Supposons qu’une cohorte dépasse les fameux seuils de 50% ou 60% et entraîne l’ouverture de nouvelles classes. Ces nouveaux groupes formeront-ils une classe ordinaire ou une classe spécialisée? L’entente ne le précise pas.  

Souvent, réunir des élèves qui ont toutes sortes de difficultés dans une classe spécialisée donne «l’illusion» qu’on pourra mieux les aider, mais les recherches ont montré que souvent, cela ne répond pas aux besoins réels des jeunes, explique Mélanie Paré.  

De plus, certains parents qui vivent en région craignent que ces classes deviennent un peu fourre-tout, les élèves étant trop éloignés pour créer de véritables «pôles» réunissant ceux qui partagent le même trouble, note aussi Sylvain Martel du RCPAQ.  

Les lueurs d’espoir

1) Mieux évaluer les jeunes en francisation

Dominic Pelletier est professeur en classe d’accueil au primaire à Montréal, c’est-à-dire en francisation. Il a remarqué que l’entente de la FAE contient un réel gain pour lui et ses élèves. Un protocole obligatoire sera mis en place par les centres de services scolaires pour accueillir ces jeunes et évaluer leur niveau en mathématique. Car il y a une grande différence entre la façon d’enseigner à un enfant qui a développé tous les acquis dans sa langue et un jeune réfugié qui n’est jamais allé à l’école de sa vie en raison de la guerre, par exemple.  

Publicité
2) Fin de la surveillance pour les profs

L’entente de la FAE prévoit que dès 2027-2028, la surveillance des récréations ne fera plus partie de la tâche des enseignants, si la disponibilité de la main-d’œuvre le permet. On peut supposer que ce rôle sera assumé par des éducatrices ou des surveillants.  

«Retirer la surveillance [de l’horaire des profs], c’est urgent», dit Mélanie Paré. Ce temps économisé pourra leur servir à faire des suivis auprès d’élèves, à planifier, corriger, parler aux parents, se concerter avec des collègues pour mieux aider un jeune, par exemple.   

3) Profs valorisés, profs valorisants?

L’entente prévoit des hausses salariales pour les enseignants ainsi que l’ajout de contrats menant à la permanence. Se pourrait-il qu’indirectement, ces meilleurs salaires et cette plus grande stabilité bénéficient aux élèves?  

Cela peut contribuer à attirer plus de gens vers la profession, mais pas forcément à retenir les profs qui sont déjà en place, analyse Geneviève Sirois. «Une augmentation de salaire, ça compte. Mais ça n’a pas un très grand impact sur la motivation à long terme.» C’est d’ailleurs ce que de nombreux enseignants mécontents ont répété au cours des derniers jours : ce n’est pas le salaire, le problème.  

4) Une meilleure communication

Une des clauses de l’entente traite du transfert d’informations entre les directions et les «organismes tiers». On peut lire entre les lignes que cela permettrait une meilleure communication entre les écoles et les CPE, les spécialistes du système de la santé ou les experts au privé.  

«L’école est souvent fermée sur elle-même» et cette clause suggère une ouverture, indique Gérald Boutin, professeur au département d’éducation de l’UQAM.  

L’entente de principe est loin d’avoir été entérinée par la FAE puisque ses syndicats locaux sont toujours en processus de vote. L’application des clauses décortiquées ci-haut est donc hypothétique.

Votre témoignage m'intéresse

Votre enfant a pris du retard pendant la grève et vous attendez de connaître le plan de rattrapage ?

Écrivez-moi à l'adresse

Publicité
Publicité