Tour de France: miracle pour Jakobsen

Jean-François Racine
Plongé dans un coma artificiel pour échapper à la mort en 2020, le Néerlandais Fabio Jakobsen a réalisé un exploit énorme samedi en remportant la 2e étape du Tour de France, moins de deux ans après une chute terrifiante qui avait frappé l’imaginaire.
S’agit-il d’un miracle ? Très ému, le coureur de 26 ans a répondu faiblement par l’affirmative après son succès.
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«C’est incroyable. Après l’accident, j’ai été engagé dans un long processus pour revenir, étape après étape. Vous savez ce que j’ai traversé après l’accident, j’ai engagé une deuxième vie.»
Le cycliste Hugo Houle a aussi salué sa force de caractère. «C’est un très grand sprinteur et je suis content pour lui. Nous sommes heureux de voir qu’il peut continuer. C’est une étape pleinement méritée pour lui», a expliqué le Québécois après la course.
Puissante équipe
À Nyborg, la Quick-Step Alpha Vinyl a fait coup double avec une deuxième victoire en autant de jours. La formation a toutefois échappé le maillot jaune par une toute petite seconde.
Fort d’une deuxième place au sprint final, le Belge Wout van Aert a empoché six secondes de bonification pour endosser de justesse le premier maillot jaune de sa carrière à la barbe du malchanceux Yves Lampaert.
Ce dernier avait pourtant réussi à revenir au peloton après une chute au début de la traversée du magnifique pont de Storebaelt (Grand Belt), long de 18 kilomètres.
Le Danois de 26 ans et ancien champion du monde 2019, Mads Pedersen, a bien failli offrir un beau succès à son pays natal, mais il a dû se contenter du 3e rang.
Le vainqueur du jour, Fabio Jakobsen, avait été victime d’une tragédie lors d’un sprint à l’arrivée du Tour de Pologne 2020. Il s’agissait alors de l’un des pires impacts en cyclisme depuis fort longtemps.
Son compatriote Dylan Groenewegen l’avait alors tassé sur sa droite et envoyé par-dessus les barricades, un geste qui lui a valu une suspension de neuf mois par l’UCI.
Plusieurs autres cyclistes avaient aussi violemment heurté la chaussée. Douce revanche, s’il est permis de le dire,
Groenewegen a pris le 8e rang, samedi.
Traumatisme crânien
Alors que le pronostic vital était engagé, le cycliste de 25 ans souffrait de multiples fractures à la tête, à l’époque. Après huit mois d’arrêt et plusieurs opérations de reconstruction du visage, l’athlète avait retrouvé sa place au sein du peloton.
Chassant la peur, Jakobsen s’est aussitôt remis à jouer du coude dans des sprints massifs à plus de 60 km/h pour rapidement gagner trois étapes du Tour d’Espagne ainsi que le classement aux points. Dans ce métier, il faut prendre des risques pour gagner.
Cette victoire d’étape à sa première participation à la Grande Boucle l’a rendu très émotif. Ses proches sont désormais très nerveux de le voir en action.
«Pour eux aussi, ce fut très dur, et maintenant encore, vous pouvez bien imaginer ce qu’ils ressentent quand ils me voient sprinter.»
Le jaune et le vert
Mince ombre au tableau, le retour victorieux de Jakobsen n’a pas été couronné officiellement par le maillot vert aux points. Wout van Aert est gourmand et en disputant le seul sprint intermédiaire, il détient une deuxième tunique par un seul point.
Le Néerlandais pourra quand même porter le vert au départ dimanche à Vejle puisque le Belge sera en jaune.
Pour Jakobsen, de retour au sommet, il s’agissait déjà de sa 11e victoire en 2022 après le Tour de l’Algarve, Kuurne-Bruxelles-Kuurne et une étape de Paris-Nice.
Des Québécois nerveux et vigilants
Le défi tant redouté de la traversée du pont de Storebaelt a été moins pénible que prévu selon les cyclistes québécois qui n’ont toutefois pas eu le temps d’admirer les beautés du paysage.
Sur ce tronçon de 18 kilomètres, les experts anticipaient des coups de bordure, des cassures au peloton et des dégâts possibles au classement.
Finalement, mis à part une seule chute sur la première partie de la structure, les cyclistes n’ont pas été balayés de gauche à droite puisque le fort vent leur soufflait en plein visage.
À pleine largeur de la route, la vitesse du groupe a diminué un peu et la concentration a pris le dessus, évitant le pire pour tout le monde.
Stress et tension
«C’était moins difficile que je l’attendais. Il y avait évidemment un stress, mais les conditions météorologiques ont été favorables pour garder la course un peu plus calme. Sur le pont, le vent de face a calmé le jeu. Certains s’énervaient pour aucune raison», a expliqué Hugo Houle.
«Le pont a été vraiment facile», a aussi affirmé Antoine Duchesne, très présent à l’avant du peloton en fin de journée. L’équipe Groupama-FDJ a notamment mis beaucoup d’énergie pour permettre à David Gaudu de rester parmi les meneurs.
«Je n’ai jamais été aussi concentré. Je n’ai pas parlé à personne de la journée. C’était nerveux dès le kilomètre 1. Ça restait tendu, mais on avait les informations nécessaires.»
Pour sa part, Guillaume Boivin a évité in extremis une belle glissade à moins de trois kilomètres de l’arrivée alors qu’il roulait derrière Primoz Roglic.
Un peu de chance
«On s’en sort relativement bien. J’ai pensé faire le sprint, mais pris derrière la chute, c’était la fin de ma journée. On n’est pas des favoris cinq étoiles pour le classement général. On est ici pour des étapes et on s’est un peu sauvé la patte.»
Le directeur sportif chez Israel-Premier Tech Steve Bauer abondait dans le même sens. «Le vent de côté aurait pu provoquer quelque chose de spectaculaire, mais ce ne fut pas le cas. En général, l’objectif était d’éviter le trouble.»
Le Canadien Michael Woods était également heureux d’avoir pu éviter les ennuis en demeurant paisiblement à l’arrière du groupe. «Ce n’était pas trop dangereux. Il y a eu des chutes et ce n’est pas la façon que tu veux commencer une course par étapes. Le pont était vraiment incroyable et on a été chanceux.»