Théories du complot: voici les preuves qu’on a marché sur la Lune (et pourquoi on n’y retourne pas)


Gabriel Ouimet
Le chroniqueur radio Jeremy Filosa a été suspendu indéfiniment par le 98,5 FM, vendredi dernier, après avoir affirmé en ondes qu’il ne croyait plus que l’homme a déjà marché sur la Lune. D'où cette théorie du complot tire-t-elle ses origines et pourquoi refuse-t-elle de mourir? Pourquoi ne retournons-nous pas sur la Lune? On en jase avec un astronome.
Le 20 juillet 1969, l’astronaute Neil Armstrong, accompagné de son collègue Buzz Aldrin, est devenu le premier humain à marcher sur la Lune. Des centaines de millions de personnes ont suivi l’exploit en direct à la télévision.

Dans les trois années suivantes, 10 autres astronautes de la NASA ont marché sur le satellite naturel de la Terre, jusqu’à la mission Apollo 17, en 1972. Personne n’y a remis le pied depuis.
C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes, dont Jeremy Filosa, croient que l'humanité n'a jamais foulé la surface lunaire.
L’astronome Pierre Chastenay répond à nos questions.
Avait-on vraiment les capacités d’envoyer des astronautes sur la Lune en 1969?
Pierre Chastenay rappelle d’abord que les premières missions vers la Lune ont été organisées en pleine guerre froide.
«Les Américains étaient dans un combat à mort contre les Soviétiques et ils cherchaient à projeter une image de domination sur tous les plans», mentionne-t-il.
En 1962, le président Kennedy met ainsi les Américains au défi de faire marcher un homme sur la Lune avant la fin de la décennie, débloquant des sommes inédites afin d’y arriver.
Entre 1960 et 1972, le gouvernement américain alloue plus de 25,8 milliards de dollars à la NASA, l’équivalent de plus de 257 milliards de dollars aujourd’hui. La plus grande partie sert à financer les missions du programme Apollo vers la Lune, selon une analyse des budgets d’époque de la NASA publiée par les chercheurs de l’organisation The Planetary Society en 2020.
À son pic, en 1965, le budget de la NASA représente près de 5% des dépenses totales du pays, comparativement à 0,3% des dépenses en 2020.
Des investissements aussi massifs dans le développement de nouvelles technologies permettent au gouvernement américain d’envoyer un message clair à son ennemi soviétique, analyse Pierre Chastenay.
«Le mot fusée, rocket en anglais, c’est un autre terme utilisé pour désigner les missiles balistiques, parce que c’est la même technologie. L’idée, c’était de dire que si les Américains étaient capables d’envoyer une fusée avec une charge utile sur la Lune, c’est-à-dire trois astronautes et leur vaisseau, ils étaient aussi capables de lancer des missiles nucléaires vers Moscou», explique-t-il.
Pourquoi personne n’y est retourné depuis 1972?
Après Apollo 11 en 1969, six autres missions envoient 10 astronautes de la NASA sur la surface de la Lune.
Le programme d’exploration lunaire prend toutefois fin avec la mission Apollo 17, en 1972.
«Pour la petite histoire, il y avait deux ou trois autres missions de planifiées après Apollo 17, mais elles ont été annulées, parce qu’à partir de ce moment, la supériorité américaine était indéniable, ils avaient gagné la course à la Lune», souligne Pierre Chastenay.
Aujourd’hui, les puissances comme les États-Unis, la Russie, la Chine et leurs alliés ont tout simplement d’autres priorités.
«Avec un investissement suffisant, on serait capable de retourner sur la Lune. Ce n’est pas un enjeu. C’est seulement que les puissances sont dans un autre type de bras de fer», indique l’astronome.
Dans le cadre de son programme Artémis, la NASA se prépare d’ailleurs à retourner sur la Lune, la première étape d’un éventuel voyage vers Mars.
Quoi répondre à ceux qui croient toujours que les missions lunaires n'ont jamais eu lieu?
Le drapeau qui flotte même s’il n’y a pas de vent sur la Lune, l’absence d’étoiles en arrière-plan, la projection inhabituelle des ombres au sol: de nombreuses personnes croient que l’analyse des images des missions lunaires présentées au public permet de conclure qu’elles ont été prises sur Terre, et non sur la Lune. Ces images feraient ainsi partie d’une vaste mise en scène orchestrée par les Américains.

Or, ces théories du complot témoignent d'un manque de connaissance sur l’environnement lunaire, soutient Pierre Chastenay.
«Dans ces analyses, les gens appliquent des connaissances sur les effets de la lumière dans un environnement terrestre. L’environnement lunaire est complètement différent. Il n’y a pas d’atmosphère et c’est recouvert d’une fine poussière gris pâle que l’on appelle le régolithe. C’est un matériau très réfléchissant. Ça crée des effets et des illusions que l’on a du mal à s’expliquer», indique-t-il.
En regardant attentivement l'image du drapeau planté par les Américains, on voit également qu'un mât y avait été inséré pour le garder déployé et bien visible. C’est ce qui expliquerait que le drapeau «flotte» malgré l’absence de vent.

Et à ceux qui ne croient toujours pas que l'Homme a marché sur la Lune, M. Chastenay rappelle une fois de plus l’ampleur des missions Apollo et le contexte dans lequel elles ont eu lieu.
« Nous avons 400 kilos de roches lunaires sur Terre grâce à ces missions. Ces roches ont été analysées par des chercheurs d’une cinquantaine de pays depuis et ils arrivent tous à la conclusion que ces pierres ont des caractéristiques très spéciales qui prouvent qu’elles n’auraient pas pu se former sur Terre. Elles se sont formées en l’absence de toute trace d’eau, dans un environnement de très basse gravité», explique l'astronome.
« À cette époque, il y avait entre 400 000 et 500 000 personnes qui travaillaient pour la NASA. Comment autant de personnes auraient pu garder le secret sur un truc aussi gros que la fabrication des images des missions Apollo en studio? Ensuite, Dieu sait que si les Soviétiques avaient des preuves que ces missions n’avaient pas réellement eu lieu, ils auraient été les premiers à le dire. Or, ils ont reconnu que les Américains avaient marché sur la Lune», conclut-il.