Tennis | Roland-Garros: c’est elle, Loïs, la nouvelle Boisson favorite de la France


Jessica Lapinski
Son visage rougi de terre battue représentait l’illustration parfaite de l’exploit que venait d’accomplir la Française Loïs Boisson, sur le plus grand terrain de tennis du pays, face à l’une des meilleures raquettes au monde.
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Mercredi, en quarts de finale de Roland-Garros, la raquette de 22 ans, 361e mondiale avant le début de cette quinzaine, a vaincu le prodige russe Mirra Andreeva, sixième tête de série à la porte d’Auteuil.
Un résultat en deux sets à l’arraché – 7-6 (6) et 6-3 –, durant lesquels elle est chaque fois revenue de l’arrière pour s’offrir un billet pour le carré d’as de son tournoi préféré.

Une fois que la balle de match fut jouée, dans un trop plein d’émotions tout à fait compréhensible, l’invitée des organisateurs s’est laissée choir sur le sol, avant d’aller enlacer sa proie du jour, des taches d’ocre ornant son visage et une bonne partie de son dos.
Il y a un an, Boisson devait faire l'impasse sur son tournoi chouchou après avoir subi une déchirure du ligament croisé antérieur gauche absolument crève-cœur. Un triste coup du destin qui ajoute une touche supplémentaire de magie sur le conte de fées qu'elle est en train de vivre, et de faire vivre au public parisien.

Car depuis quelques jours, Loïs est devenue la Boisson favorite des Français. Et si l’on voulait verser encore davantage dans les jeux de mots, on ajouterait qu’elle a atteint ces demi-finales de façon savoureuse, en soûlant tour à tour deux des meilleures raquettes de la planète.
La première, c'est l'Américaine Jessica Pegula, troisième tête de série, qu'elle a renversée en trois manches en ronde des 16. Car la Française originaire de Dijon est une tenace, et une coriace.
Du trauma à l’extase
Son jeu, parfaitement conçu pour la terre battue, est plutôt celui d’un homme, évoque son ancien entraîneur Régis Roche, en entrevue à l’AFP.
«Ce qui ressortait, c’était qu’elle avait des qualités physiques impressionnantes, a-t-il noté. Elle sort des standards, elle a un jeu que l’on trouve plutôt chez les hommes.»
Des qualités qu’elle a amplifiées en gymnase l’an dernier, durant sa pause forcée qui lui a causé un «trauma», pas uniquement physique, mais aussi mental, relate son préparateur physique, Sébastien Durand, toujours à l’AFP.

Mais Boisson a clairement mis à profit cette absence de neuf mois. En deuxième manche, en quarts, la Française a frustré à maintes reprises la jeune Andreeva, une adversaire féroce.
Détentrice de deux titres d’envergure cette année, la Russe menait à un moment 3-0 dans la seconde manche. Mais sa rivale a tenu bon, devant les tribunes d’un central Philippe-Chatrier en pleine extase.
Elle rêve de gagner, pas d’un carré d’as
Cette victoire de marque a permis à Boisson de devenir la première Française depuis Marion Bartoli, en 2011, à atteindre le carré d'as à Paris. Elle est aussi la première Française à se rendre en demi-finale d'un tournoi du Grand Chelem depuis Caroline Garcia au US Open, en 2022.
Évidemment, elle effectuera un bond majestueux au classement, lundi prochain. La Française, dont le meilleur rang à ce jour était le 152e, pointera à tout le moins au 65e échelon, ce qui en fera la «Bleue» la mieux classée au monde.
Et elle pourrait grimper encore davantage si elle réalisait un nouvel exploit, jeudi vers 10 h, heure de l'Est, contre l'Américaine Coco Gauff, deuxième tête de série.
Boisson, quant à elle, y croit. «Chaque gamine qui joue au tennis rêve de gagner un Grand Chelem. Mon rêve est de gagner, pas de me qualifier pour les demi-finales», a insisté une Boisson de plus en plus gourmande, comme l’écrit l’AFP.
«Boisson sans modération»
Les Français – et les médias français – s’abreuvent des succès de la jeune femme de 22 ans, qui sont comme un baume sur les désillusions que leur ont causé plusieurs des leurs plus beaux talents au fil des dernières années. À chaque tournoi majeur – et surtout à chaque Roland-Garros –, le contingent des Bleus est impressionnant, mais les résultats ne le sont pas toujours.
Et bien sûr qu’avec un nom comme celui de Loïs Boisson, certains titreurs s’en donnent à cœur joie. Chapeau à nos collègues de L’Équipe qui, une fois la victoire acquise, mercredi, ont titré «Boisson sans modération».

Un beau talent et une belle répartie
Sur le court et à l’entraînement, Loïs Boisson est une joueuse «extrêmement rigoureuse», note l’AFP. Et hors des terrains, affirme son ancien entraîneur Régis Roche, c’est une jeune femme «discrète et sympa».
Une athlète qui sait aussi «manier l’humour», relève l’agence de presse française. Cette dernière rappelle dans l’un de ses articles une anecdote savoureuse impliquant Boisson, dans sa seule victoire à ce jour sur la WTA avant ce Roland-Garros, plus tôt cette saison.
«Au tournoi WTA 250 de Rouen, elle a remporté sa première victoire sur le circuit contre Harriet Dart. Quand la Britannique a ironisé sur son odeur corporelle en plein court, la Dijonnaise a répondu avec esprit sur les réseaux sociaux... en proposant une collaboration à une marque de déodorant.»
Comme le relève l’AFP, cette dernière sera moins indispensable. Avant cette quinzaine, Boisson avait récolté environ 200 000$ en bourse. Grâce à ce carré d’as, elle est déjà assurée d’obtenir cinq fois plus, soit un peu plus d’un million de dollars.