Tavares contre l’ARC: des implications majeures pour le CH


Nicolas Cloutier
John Tavares a décroché dans les derniers jours une importante victoire dans le litige qui l’oppose à l’Agence du revenu du Canada (ARC), et la cause a des implications majeures pour les équipes canadiennes de la Ligue nationale de hockey (LNH), dont les Canadiens de Montréal, à l’approche du 1er juillet.
L’ARC réclame 8 millions $ en impôts à Tavares pour un boni à la signature versé lors de la première année d’une entente de sept ans et 77 M$ signée avec les Maple Leafs de Toronto à l’été 2018.
C’est un dossier qui est suivi avec intérêt par les agents de la LNH et les concessions établies au Canada, puisqu’il pourrait impacter de manière considérable la capacité desdites concessions à recruter des joueurs autonomes sans compensation qui résident aux États-Unis.
Selon le journaliste David Alter (The Hockey News), les avocats de Tavares travaillent à établir une date d’audience dans cet appel contre l’ARC à la Cour canadienne de l’impôt. Un verdict en faveur de Tavares a le potentiel de changer la donne pour les équipes canadiennes, selon un expert consulté par le TVASports.ca.
Un atout pour Hughes
«Si le verdict rendu élargit la définition de ce qui constitue un boni à la signature et son taux d’imposition préférentiel de 15%, alors oui», a expliqué Kyle Stich, directeur d’AFP Analytics, une firme-conseil en fiscalité établie à Rochester qui offre ses services à des athlètes professionnels.
Les Canadiens – et tout autre club au nord de la frontière canado-américaine – ne luttent pas exactement à armes égales avec les équipes évoluant dans des États américains ne prélevant aucun impôt sur le revenu, à l’ouverture du marché des joueurs autonomes, le 1er juillet.
Mais les bonis à la signature pourraient être une arme de taille dans l’arsenal du directeur général du CH, Kent Hughes, qui bénéficie du soutien d’un propriétaire aux poches profondes en Geoff Molson.

Ces bonis permettraient à Hughes de réduire le fardeau fiscal d’un résident des États-Unis qui souhaite signer un contrat au Canada, en vertu d’un traité canado-américain.
Ce traité, qui offre un taux préférentiel d’imposition de 15% sur les bonis à la signature aux athlètes professionnels résidant aux États-Unis et offrant des services au Canada, est au cœur du litige entre Tavares et l’ARC.
Contexte
Le contrat de 77 M$ signé par Tavares avec les Maple Leafs de Toronto à l’été 2018 comprenait quelque 15,25 M$ en bonis à la signature pour la première saison, soit 2018-2019.
Le camp de Tavares plaide que le principal intéressé était résident des États-Unis au moment de signer l’entente avec les Maple Leafs et que le joueur est ainsi admissible au taux préférentiel d’imposition.
Or, l’ARC interprète ce boni à la signature de Tavares comme un salaire, car Tavares n’aurait pas touché au boni dans son entièreté s’il avait manqué à ses obligations contractuelles.
Victoire non négligeable
Toujours selon The Hockey News, le camp de Tavares a réclamé à l’ARC en audience de fournir de la documentation supplémentaire qui apporterait des éclairages sur la réévaluation du boni à la signature qu’il a touché en 2018.
Le juge John Yuan a tranché en exigeant à l’ARC de remettre des documents clés de l’audit de Tavares, frappés de certaines contraintes de divulgation pour des motifs de confidentialité.
Comme l’ARC n’a pas présenté d’échéancier pour la remise de ces documents, la cause est ajournée jusqu’à nouvel ordre, mais les avocats de Tavares tentent d’établir une date d’audience le plus rapidement possible pour remporter la victoire.
Une victoire de Tavares en cour pourrait offrir aux équipes de la LNH des arguments légaux importants lorsque viendra le temps de ratifier des ententes structurées avec des bonis à la signature. Le langage utilisé dans le jugement sera néanmoins très important, puisqu’il doit élargir la définition de ce que l’on considère comme un boni à la signature. Dans l’état actuel des choses, ce qui distingue ce genre de boni d’un salaire ou d’une compensation, c’est au minimum hasardeux d’un point de vue légal.
«Quand on adopte une position qui peut être contestée sur le plan fiscal, on s’assure d’avoir des arguments avec un fondement juridique. Un verdict concret constitue l’une des meilleures preuves que l’on puisse présenter. En ce moment, il n’y a pas vraiment de jurisprudence sur laquelle s’appuyer», a observé notre expert en fiscalité Kyle Stich.