Tarifs douaniers: «Les États-Unis se tirent dans le pied avec un bazooka»

Yannick Beaudoin
La stratégie économique de Donald Trump ne tient tout simplement pas la route, estime Guillaume Lavoie, membre associé de la Chaire Raoul-Dandurand.
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À l’aube de l’entrée en vigueur de droits de douane sur les produits provenant de l’ensemble des autres pays, le président américain a accordé un sursis au Mexique, même s’il avait précédemment assuré que la date du 1er août ne serait pas repoussée.
«Les États-Unis sont très dépendants du Mexique, autant que du Canada, et en touchant des choses du quotidien, par exemple, les avocats, mais bien sûr l’industrie automobile, l’énergie encore [...] Alors, l’idée de vouloir se donner des marges de manœuvre, c’est parce que sinon les conséquences seraient encore pires», explique le spécialiste de la politique américaine en entrevue à LCN jeudi.
Car l’économie américaine souffre des menaces de tarifs de M. Trump, selon lui.
«Ce n’est pas vrai que c’est sans coûts économiques du côté américain. Les géants américains commencent à annoncer des hausses de prix. Alors, la loi de la gravité a peut-être tardé à se faire sentir, mais Newton finira par avoir raison», soutient M. Lavoie.
«Je pense que les États-Unis se tirent dans le pied avec un bazooka. Peut-être qu’il faudra attendre le temps que ça fasse vraiment mal à eux aussi pour qu’ils changent de ton», ajoute-t-il.

Par ailleurs, les droits de douane imposés à la Chine entreraient en vigueur le 12 août, alors que c’est le 1er août pour les autres pays.
«Les rumeurs qui émanent de Washington présentement, c’est que la prochaine annonce sur la Chine serait qu’on se donne un autre 90 jours», mentionne Guillaume Lavoie.
Manque de clarté
Les ententes signées par Donald Trump semblent aussi être interprétées de façon différente par les parties, souligne le membre associé de la Chaire Raoul-Dandurand.
«On a une annonce et un communiqué de presse, mais ça ne veut pas dire que ça, c’est un accord sur lequel tout le monde peut dire: “Voilà à quoi je peux me fier”», indique-t-il.
«Habituellement, Trump mélange toutes les sauces. Il parle de commerce, mais il veut autre chose», ajoute l’expert.
Guillaume Lavoie mentionne que Donald Trump pourrait réclamer, dans un accord de commerce, que le Canada priorise les États-Unis dans ses livraisons de métaux rares ou d’énergie.

«Nous avons donné notre parole qu’on allait augmenter nos achats militaires: est-ce qu’on va [les] acheter en Europe ou aux États-Unis? Pour Donald Trump, tout ça fait partie de la même conversation», résume le spécialiste de la politique américaine. «Alors, ce n’est plus qu’un [seul et unique] accord de commerce, c’est un accord tous azimuts sur la relation canado-américaine. Et c’est pour ça que une clause en soi ne veut rien dire. C’est l’ensemble qui compte».
Stratégie «cousue de fil blanc»
Dans la nuit de mercredi à jeudi, Donald Trump a écrit dans son réseau Truth Social que l’intention du Canada de reconnaître l’État de la Palestine allait compliquer les négociations entre Ottawa et Washington.
«C’est une stratégie de dernière minute cousue de fil blanc pour essayer de se donner un rapport de force plus grand. Trump a beaucoup l’habitude d’utiliser le commerce même pour essayer d’imposer sa politique à d’autres pays», clame Guillaume Lavoie.
Il y a quelques semaines, le président américain avait menacé d’imposer des tarifs douaniers punitifs au Brésil à cause des démarches judiciaires contre l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro.
«Ce n’est pas comme ça que les adultes et les pays normaux font des relations», lance l’expert.
Ce dernier souligne également que l’idée d’une solution à deux États (Israël et la Palestine) ne date pas d’hier et que le Canada est le dernier d’une longue série de pays à être en faveur d’un tel projet.
«Trump pense que ça lui donne une marge de manœuvre et là, il va découvrir que le Canada est un pays souverain capable de ses bonnes ou mauvaises décisions, mais par lui-même», explique Guillaume Lavoie.
Pour voir l’entrevue complète, visionnez la vidéo ci-haut.