Tarifs douaniers de Trump: le Canada déclare la guerre au fentanyl et aux cartels mexicains
Le Canada et les États-Unis lancent une force de frappe conjointe sur le crime organisé, le trafic de fentanyl et le blanchiment d’argent, annonce le premier ministre Justin Trudeau
Félix Séguin et Kathryne Lamontagne
Face aux menaces tarifaires de l’administration Trump, le Canada va s’attaquer de front au fentanyl et au crime organisé. Les cartels mexicains sont ajoutés à la liste des entités terroristes, un «tsar» responsable de la question du fentanyl sera nommé et près de 10 000 agents seront sur le terrain pour protéger la frontière, a annoncé le premier ministre Justin Trudeau sur X, lundi. S’il est vrai que le Canada produit et exporte du fentanyl, le nombre de saisies effectuées aux douanes américaines est toutefois marginal, comparativement à ce qui est intercepté au sud du pays. Notre Bureau d’enquête fait le point.
Les nouvelles actions du Canada
Le Canada prend de nouveaux engagements pour calmer les insatisfactions du président Donald Trump face au fentanyl. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé une série de mesures sur X, lundi, à la suite d’un «appel productif» avec le président Trump.
Ainsi, en plus de son plan frontalier à 1,3 G$ annoncé en décembre dernier, le Canada entend ajouter les cartels mexicains à la liste des entités terroristes, nommer un «tsar» responsable de la question du fentanyl et surveiller la frontière «24 heures sur 24, 7 jours sur 7».
Le Canada lance aussi, avec les États-Unis, «une force de frappe conjointe sur le crime organisé, le trafic de fentanyl et le blanchiment d’argent», écrit le premier ministre Justin Trudeau. Il affirme avoir signé une nouvelle directive visant les services de renseignement, aussi axée sur le crime organisé et le fentanyl, supportée par une nouvelle somme de 200 M$.
Une quantité minime saisie aux douanes
Toutes ces mesures visent notamment à mieux protéger les frontières contre le trafic du fentanyl, considéré comme une « urgence nationale » selon le président Trump. Or, les quantités de fentanyl provenant du Canada représentent environ 0,2% de l’ensemble de cette drogue saisie à la frontière américaine, en 2024.
Les données sont sans équivoque: le Mexique exporte 500 fois plus de fentanyl aux États-Unis que le Canada, selon les plus récents bilans du United States Customs and Border Protection.
- Fentanyl saisi en provenance du Mexique en 2024: 9592 kg
- Fentanyl saisi en provenance du Canada en 2024: 19 kg
Des laboratoires clandestins démantelés
Il ne faut toutefois pas se baser uniquement sur les chiffres des saisies pour dresser un portrait de la situation. Les groupes criminels au Canada produisent du fentanyl en grande quantité, à en croire les récentes opérations policières.
En effet, pas moins de 44 laboratoires clandestins de fentanyl – une drogue 50 fois plus puissante que l’héroïne – ont été démantelés au pays entre 2018 et 2024, selon la Sécurité publique du Canada.
À la fin du mois d’octobre 2024, la Gendarmerie royale du Canada a frappé le «super laboratoire le plus grand et le plus sophistiqué de son genre» à Falkland, en Colombie-Britannique. Ces installations auraient pu permettre de produire 95 500 000 doses potentiellement mortelles de fentanyl, une quantité qui aurait pu tuer tous les Canadiens... «au moins deux fois», avait imagé la GRC.

Une production canadienne vers... l’Australie
À trois reprises depuis 2022, les policiers fédéraux ont démantelé des laboratoires clandestins dont la production était destinée principalement à l’exportation vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et non pas vers les États-Unis.
Les Américains ne sont toutefois pas en reste. Le 23 janvier dernier, un trafiquant de Saint-Bruno-de-Montarville a écopé d’une peine de 30 ans d'emprisonnement, aux États-Unis, après être devenu l’un des plus importants vendeurs de Xanax et de fentanyl sur le dark web. Arden McCann expédiait depuis le Canada ses comprimés, qu’il avait lui-même fabriqués, ce qui pouvait lui rapporter jusqu’à 1 M$ par mois.

Difficile toutefois de connaître la quantité exacte de fentanyl produit au pays, les données étant manquantes à cet effet.
Le Canada producteur... et importateur
Le Canada produit et exporte du fentanyl, mais en importe aussi. Le principal fournisseur de fentanyl au Canada est le cartel de Jalisco, l’un des plus puissants et le plus violent du Mexique, selon des documents policiers consultés par notre Bureau d’enquête.
L’une des associées de ce cartel est une femme qui a d’ailleurs séjourné à Montréal pendant une longue période de temps, selon ces mêmes documents.
Le cartel de Jalisco n’agit pas seul. Il peut compter parmi ses partenaires les motards criminels, la pègre asiatique, la pègre moyenne-orientale, ainsi que le crime organisé traditionnel pour importer et distribuer ses stupéfiants, selon la GRC.
S’attaquer aux produits chimiques à la base du fentanyl
Les cartels mexicains importent aussi des précurseurs, soit des produits chimiques qui servent à fabriquer le fentanyl dans des laboratoires clandestins. Ces produits, bannis dans plusieurs pays, proviennent souvent de Chine, et sont envoyés au Canada.
Dans son nouveau plan de protection des frontières de 1,3 G$ annoncé en décembre dernier afin de calmer la grogne du président Trump, le fédéral prévoit notamment accélérer le processus réglementaire pour interdire les produits chimiques précurseurs afin de pouvoir prévenir leur importation et leur utilisation illégale.
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