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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Tarifs de Trump: «Le potentiel de dommages est très important au Québec», admet Fréchette

Le gouvernement Legault songe à se porter au secours des entreprises comme pendant la pandémie

Photo Agence QMI, TOMA ICZKOVITS
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Photo portrait de Sylvain Larocque

Sylvain Larocque

2025-01-18T05:00:00Z
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Quelques heures avant le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la ministre québécoise de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, a fait le point avec Le Journal sur les façons de répondre à l’impétueux président.

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Q: Êtes-vous prête pour Donald Trump?

R: Au gouvernement, on prépare plein de scénarios depuis des mois. On a rehaussé notre présence aux États-Unis parce qu’on savait qu’il y avait une nouvelle administration qui s’en venait. Et depuis quelques semaines, on s’y prépare de façon encore plus serrée, notamment en consultant les entreprises. Nous sommes huit ministres engagés dans la stratégie avec le premier ministre. Mais il ne faut pas réagir sur la base des messages sur les réseaux sociaux ou des déclarations. On veut voir quelles seront les actions.

Q: Quel pourrait être l’impact de tarifs douaniers de 25% et de la réplique canadienne pour l’économie québécoise?

R: C’est sûr que notre plan A, c’est qu’il n’y ait pas de tarifs. C’est ce à quoi on travaille quand on est en interaction avec les Américains. S’ils allaient de l’avant avec des tarifs, il y aurait des impacts ici, mais aussi aux États-Unis. Ce sont eux qui se trouveraient à payer la plus grande part des tarifs. On est indispensables pour un grand nombre de secteurs aux États-Unis, donc ce serait difficile pour eux de se passer de nous, d’autant plus qu’ils veulent prendre leurs distances avec la Chine. Advenant qu’il y ait l’imposition de tarifs de 25%, c’est sûr que le potentiel de dommages est très important au Québec. On estime qu’autour de 100 000 emplois pourraient être touchés. On compte 10 000 entreprises québécoises qui exportent aux États-Unis. Mais on va être là s’il y a une guerre commerciale et que nos entreprises en souffrent.

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Photo Agence QMI, Roger Gagnon
Photo Agence QMI, Roger Gagnon

Q: Pourriez-vous mettre en place un plan d’aide comme celui lancé au début de la pandémie de COVID-19?

R: C’est sûr que c’est quelque chose dont on va s’inspirer. Mais en 2020, on était dans une situation extraordinaire, il y avait eu un arrêt complet des activités de la majorité des entreprises. S’il y a une guerre tarifaire, les entreprises ne vont pas cesser de fonctionner. On ne peut donc pas juste faire un copier-coller. Mais ça nous donne une idée du type d’intervention qu’on pourrait envisager si on était dans une situation critique. Il va encore être possible d’exporter aux États-Unis, mais nos produits vont être plus chers. Alors, est-ce que ce sont nos entreprises elles-mêmes qui vont absorber la hausse, les clients américains ou est-ce que ça va être partagé? C’est ce qu’on est en train d’analyser, secteur par secteur. Notre aide va être en fonction de ce qui va se passer sur le terrain.

Q: Est-ce que les Québécois pourraient participer à l’effort en arrêtant d’acheter des produits américains ou d’aller en Floride?

R: Depuis des semaines, je dis aux entreprises d’utiliser leurs réseaux pour faire passer notre message. Il n’y a rien comme un Américain pour convaincre un autre Américain. Mais les Québécois sont libres d’aller en vacances là où ils le souhaitent. Je pense que de facto, il y en a qui vont se sentir solidaires [et modifier leurs achats].

Photo Marie Poupart
Photo Marie Poupart

Q: Pourquoi est-ce que le gouvernement est si hésitant à bloquer l’exportation d’électricité aux États-Unis?

R: C’est sûr qu’il y a une part de risque à utiliser l’énergie. Nos contrats d’exportation ne sont pas encore en vigueur; on est en train de construire les liens d’interconnexion. On n’exclut rien. Il y a quand même le marché à court terme qu’on peut utiliser. Est-ce que ça aurait l’impact souhaité? Ce n’est pas nécessairement évident que ça pourrait être perçu de manière très claire par les Américains. Tout est sur la table, mais en même temps, on garde nos cartes proches de nous. C’est important qu’il y ait un peu un effet de surprise si on a à adopter des représailles.

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Q: Accepteriez-vous de limiter les hausses de tarifs d’électricité prévues en avril pour aider nos entreprises?

R: C’est une réflexion qu’on s’est dit qu’il fallait faire après l’arrivée du président Trump. C’est important pour nous de comprendre le cadre dans lequel on devra manœuvrer si des tarifs devaient être imposés.

Photo AFP
Photo AFP

Q: Vous participerez au sommet économique de Davos, en Suisse, la semaine prochaine. N’aurait-il pas été préférable de rester ici pour faire face aux premiers décrets de l’administration Trump?

R: On a la nécessité de diversifier nos marchés d’exportation et ça, ça passe notamment par des rencontres avec des entreprises américaines et européennes, comme celles que je ferai à Davos. C’était important pour moi d’écourter de deux jours ma mission à Davos parce que je veux être ici lorsque Trump arrivera à la Maison-Blanche et voir s’il concrétisera ses menaces. Mais je vais être aux aguets toute la semaine.

Q: Concernant la filière batterie, est-ce que le gouvernement aurait pu faire les choses autrement pour éviter des fiascos comme ceux de Lion Électrique et de Northvolt?

R: Des projets sans risque dans le domaine économique, ça n’existe pas. On veut se positionner dans un marché en émergence qui se déployait à vitesse grand V et maintenant à une vitesse un peu plus réduite. Ce n’est pas clair qu’on aurait pu faire les choses différemment pour éviter tout risque. Des projets qui vont bien dans la filière batterie, on en a plusieurs et à Bécancour, ça lève de terre actuellement. Il y a même un tourisme industriel qui s’est mis en place il y a quelques mois pour répondre à la curiosité des gens qui se rendent là-bas. Il y a une vingtaine de projets en cours et une centaine d’entreprises avec lesquelles mon ministère est en discussion.

Le contenu de l’entrevue a été condensé.

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