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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Système de paie du réseau de la santé en déroute: un autre coûteux bordel informatique prévisible, comme SAAQclic

Le système de paie du réseau de la santé au Québec est en déroute

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Photo portrait de Nicolas Lachance

Nicolas Lachance

2025-05-14T04:00:00Z
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Dépassements de coûts pharaoniques, retard de deux ans dans la livraison, ratés dans les contrats: un rapport gouvernemental «dévastateur» démontre que le projet de modernisation du système de paie du réseau de la santé se dirige droit «dans un mur». Malgré un avis ministériel, les coûts sont déjà passés de 202M$ à 430M$ et pourraient atteindre le milliard comme SAAQclic.

Un rapport d’audit, réclamé par l’ex-ministre du Numérique Éric Caire, démontre que l’initiative informatique du ministère de la Santé est un gouffre financier.

Selon des sources qui se sont confiées à notre Bureau parlementaire, Éric Caire a informé son collègue Christian Dubé dès l’été dernier des problèmes du projet qui risque de dépasser le milliard $ en dépenses. Le ministère de la Santé a fait la sourde oreille.

Pointe de l’iceberg

Le projet SIFARH doit permettre la centralisation des systèmes de finances (paie), de la chaîne d’approvisionnement logistique (équipement médical) et de la gestion des ressources humaines, y compris la confection des horaires.

Par exemple, il doit concrétiser l’implantation des clauses de conventions collectives.

Cet aspect est particulièrement chaotique depuis les nouvelles ententes signées avec les infirmières, alors que certaines primes accordées ne sont même pas encore versées (voir autre texte).

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Comme pour le projet SAAQclic, le fournisseur de service sélectionné est le Groupe LGS, une branche d’IBM.

Le ministère de la Santé a conclu, en janvier 2024, un contrat de 408M$ pour une durée de plus 15 ans avec l’entreprise.

Ce contrat inclut seulement les deux premiers volets du projet. Il serait impossible d’y mettre un terme. Pourtant, le coût autorisé pour tous les volets du projet est de 202M$.

En raison notamment d’une mauvaise évaluation des besoins liés au volet des ressources humaines, la livraison prévue pour 2026 est retardée à mars 2028.

«C’est la pointe de l’iceberg. Il faut qu’il soit arrêté ce projet-là», a lancé une source très près du dossier qui préfère garder l’anonymat.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Besoin de fonds

De son côté, Santé Québec plaide que le projet est «essentiel», et que les problèmes ont commencé avant que le ministère lui en transfère la gestion.

Comme la haute direction de la SAAQ pour SAAQclic, Santé Québec soutient que SIFARH «générera rapidement des économies significatives» et améliorera «la qualité et l’efficience des services offerts».

En entrevue avec notre Bureau parlementaire, le nouveau ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Gilles Bélanger, ne cache pas son inquiétude.

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«C’est un projet qui a des lumières rouges [...] qui est mal parti.»

Afin de stopper l’hémorragie et les dépassements de coûts, il faudra de nombreuses «modifications» et peut-être même «arrêter le projet», dit-il.

«On est encore loin de la coupe aux lèvres», a-t-il conclu, rappelant que les pouvoirs de son ministère étaient «extrêmement limités» et qu’il ne pouvait freiner un projet.

– Avec la collaboration d’Alain Laforest, TVA Nouvelles

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Encore des primes qui ne sont pas versées

En raison de la désuétude du système de paie, le gouvernement Legault peine à accorder aux employés du réseau de la santé les nouvelles primes instaurées par les conventions collectives qui ont été signées l’an dernier. Plus de cinq mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle entente, des primes ne sont pas encore versées.

En octobre dernier, plusieurs CISSS ont dû retarder le versement de certaines primes pour l’ensemble des syndicats.

Les retards étaient attribuables aux travaux qui devaient être faits par les fournisseurs de paie.

De nombreuses manipulations ont dû être effectuées dans les systèmes informatiques désuets afin de modifier les primes qui devaient être versées aux infirmières et autres employés du réseau de la santé.

La mise en place du nouveau système de paie du réseau de la santé devait régler l’implantation des clauses de conventions collectives.

En raison des retards et des ratés du projet SIFARH (voir autre texte), la convention collective qui a été signée en octobre 2024 sera terminée avant l’implantation de la solution.

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Encore à ce jour, certaines primes ne sont pas versées. Questionnée à ce sujet, Santé Québec nous a répondu mardi que «la grande majorité des primes auront été livrées d’ici le 15 mai».

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

L’après-pandémie

Aussi, à la suite de la pandémie de COVID, le Protecteur du citoyen réclamait un accès plus simple à des informations fiables et de qualité en tout temps sur les services en santé.

Se doter de systèmes intégrés d’information pour générer des données épidémiologiques, de gestion, de ressources humaines, de surveillance, de vigie sanitaire ainsi que d’approvisionnement était primordial, selon lui, pour prendre des décisions importantes en temps de crise.

Le Protecteur du citoyen comptait ainsi sur le déploiement rapide du nouveau système en 2026, pour que soient appliquées ses recommandations. La livraison du projet est minimalement retardée à 2028.

Jeudi dernier, lors de l’étude des crédits, le nouveau ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Gilles Bélanger, a indiqué que les pouvoirs de son ministère étaient «extrêmement limités».

Si un projet dérape, qu’il y a des dépassements de coûts et que les échéanciers ne sont pas respectés, le ministre n’a aucun pouvoir d’y mettre fin.

Il peut seulement faire «un suivi de communication» lorsqu’il y a des problèmes.

Un projet qui dérape

  • Budget autorisé: 202M$ pour trois volets
  • Contrat signé avec LSG: 405M$ pour deux volets
  • Nouvelle évaluation des coûts: 430M$, une variation de 113%
  • Montant dépensé à ce jour: 46M$
  • Échéancier de départ: livraison en 2026
  • Nouvel échéancier: livraison en 2028, une variation de 46%
  • Avancement du projet à ce jour: 12%
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