Syndiqués, vous faites de la peine à papa Legault!
Les syndiqués ne vont pas rentrer juste parce que papa Legault a sonné la fin de la récréation!

Richard Martineau
On déplore souvent le fait que François Legault se comporte plus comme un père de famille que comme un premier ministre.
Comme «un bon p’tit monsieur» plutôt que comme le chef d’un gouvernement.
On en a eu encore une fois la preuve hier, quand monsieur Legault a demandé aux syndiqués d’arrêter la grève «pour le bien des enfants».
On avait l’impression d’entendre un papa dire à ses ados d’arrêter de faire du bruit parce que ça dérangeait les voisins!
«Avez-vous vu l’heure? Baissez la musique, là, ou mettez vos écouteurs! Vous voulez d’autres liqueurs? Des chips?»
QUELLE FAMILLE!
L’amour dure trois ans, dit l’adage.
L’appui de la population envers des syndiqués qui font la grève, elle, dure trois semaines.
Après, les gens commencent à grogner.
Ils ne savent plus quoi faire avec leurs enfants, ils ont peur que ceux-ci ratent leur année scolaire, ou que leur plus vieux qui traîne de la patte dégringole encore plus...
Bref, on aime les grévistes pourvu qu’ils ne dérangent pas trop.
Le hic, c’est que c’est justement ça, le but d’une grève: déranger.
Sinon, à quoi bon?
Si tu ne déranges pas, pourquoi le gouvernement bougerait?
- Écoutez la rencontre Lisée - Mulcair avec Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 8h50 via QUB radio :
Il faut être un peu déconnecté de la réalité pour penser que les profs qui sont sortis dans la rue vont soudainement ranger leurs pancartes et rentrer dans le rang, juste parce que papa Legault leur a demandé gentiment de le faire, la tête sur le côté, les poings sur les hanches et la bouche pincée.
On n’est pas dans un épisode de Caillou ou de Quelle famille!
On est dans un rapport de force, l’un des plus importants conflits de travail des 50 dernières années!
Pensez-vous que les travailleurs de l’éducation et ceux de la santé, qui n’ont jamais été aussi crinqués (pardon: déterminés), vont retourner à la maison la queue entre les jambes?
Hier, à QUB radio, j’ai parlé avec Luc Papineau, qui enseigne le français au secondaire. Il m’a dit que ça fait 20 ans qu’il voit le système d’éducation se dégrader.
Vingt ans.
Là, les profs se sont dit: «Assez, c’est assez! On sort! C’est maintenant que ça se passe, ou jamais!»
Ils ne veulent pas qu’on «patche» le système d’éducation comme on «patche» les rues, avec de la broche et du Silly Putty.
Ils veulent des changements structurels.
Pas demain: maintenant.
Pour que les jeunes profs qui entrent dans le système Y RESTENT!
Au lieu de sacrer le camp en courant après trois ans.
FIN DE LA RÉCRÉ!
Elle dérange, la grève?
Certes.
Mais des classes sans prof, ça dérange aussi. Ou des classes qui changent de profs aux deux mois.
(Ou, dans le milieu de la santé, des infirmières qui pètent au frette et tombent comme des mouches.)
Si les profs sont sortis, ce n’est pas de gaité de cœur. Et lorsqu’ils décideront de rentrer, ce ne sera pas parce que François Legault aura sonné la fin de la récréation.
Je ne donne pas le bon Dieu sans confession aux syndicats. Sortir tout de suite l’arsenal nucléaire, comme l’a fait la FAE, alors que les négociations avancent, pas sûr que ce soit l’idée du siècle.
Tout comme la présidente de la FTQ qui est partie pour Dubaï.
Mais en même temps, je comprends les profs.
Ce ne sont pas des enfants qui font une ‘tite crisette.
Ce sont des travailleurs dévoués (et, pour la plupart, des parents) qui tentent de sauver un paquebot que l’on disait insubmersible, mais qui est en train de couler à pic.

MON PAYS AVANT MA COMMUNAUTÉ
Une petite anecdote sur Henry Kissinger qui est mort cette semaine...
Lorsque l’Égypte et la Syrie ont attaqué Israël en octobre 1973, Golda Meir, alors première ministre d’Israël, a tenu à parler à Henry Kissinger, qui était Secrétaire d’État sous Nixon, afin de demander l’aide militaire des États-Unis.
«Je vous avertis, lui a dit Kissinger. Je suis juif, mais je suis d’abord et avant tout américain.»
Bref, Kissinger a fait passer son pays avant sa religion.
Aujourd’hui, c’est l’inverse: les gens font passer leur identité religieuse, raciale, sexuelle ou ethnique avant leur identité nationale...
Autre époque, autres mœurs.
LA RELIGION N’EST PAS UNE EXCUSE
Bravo au Bloc Québécois qui a déposé un projet de loi afin que le Code criminel n’autorise plus les discours haineux fondés sur la religion.
Si on n’a pas le droit de dire «Je crois que tous les gais devraient mourir», je ne vois pas pourquoi on aurait le droit de dire «Mon Dieu croit que tous les gais devraient mourir»!
Parce que tu portes un petit chapeau, une tunique ou une barbe, tu aurais le droit de fomenter la haine?
Cela dit, si ce projet de loi est adopté, faudra-t-il retirer toutes les bibles des motels?
FILIÈRE BATTERIE: ERRATUM
Dans ma chronique de jeudi (Legault dirige le Québec au pif), j’affirmais que le gouvernement envisageait d’investir 30 milliards de dollars dans la filière batterie.
Ce chiffre comprend en fait des investissements provenant du gouvernement, oui, mais aussi des investissements provenant du secteur privé. Mes excuses.
Cela dit, ça ne change rien au cœur de mon texte – à savoir que les sommes mirobolantes que le gouvernement investira dans cette filière le seront sur la base d’aucune étude.
On y va au pif, au «feeling».