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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Sur l’autoroute Guy-Lafleur

Photo d'archives, Martin Chevalier
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Photo portrait de Guillaume St-Pierre

Guillaume St-Pierre

2022-04-26T09:00:00Z
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Je l’admets d’emblée, j’évite généralement d’emprunter l’autoroute 50.

C’est dommage. Comme tout le monde en Outaouais, j’avais hâte qu’elle soit achevée, lorsqu’elle l’a été en 2012.

Elle n’a rien de glorieux, cette autoroute, contrairement aux formations lointaines des Canadiens de Montréal.

C’est en fait un grand boulevard à deux voies. Elle n’a d’autoroute que le nom. Ou plutôt, elle en a un : l’autoroute de la mort. 

On tient son volant un peu plus serré quand on roule sur la 50, surtout l’hiver ou la nuit. 

Les voitures se croisent à 100 km/h, séparées uniquement par des bandes rugueuses sur des dizaines de kilomètres. 

Honorer Guy Lafleur, le Démon blond, en donnant son nom à cette route dangereuse, quelle drôle d’idée ! 

C’est pourtant ce que pense faire Québec. 

Et pourquoi pas ? 

Le p’tit gars de Thurso 

Je sais, certains diront que Lafleur mérite mieux qu’une autoroute maudite dans une région méconnue.

Mais n’en déplaise aux gens de Montréal ou de Québec, Guy Lafleur est avant tout un fils de l’Outaouais. 

Nous ne l’avons jamais oublié. Lui non plus. 

C’est ce qui fait son charme, ce qui le rend aussi attachant aux yeux des Québécois. Guy Lafleur est resté proche de ses racines, proche de nous tous.

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Il est né et a grandi à Thurso, un modeste village de 3000 âmes qui a longtemps été réputé pour les effluves nauséabonds de sa papetière.  

Lafleur a vécu la vie mondaine d’une super vedette dans les années 1970 et 1980. 

Mais il est demeuré le p’tit gars de Thurso toute sa vie. 

« Il a vécu la vie sophistiquée montréalaise, mais je pense qu’il n’a jamais été autre chose qu’un p’tit gars de région [small town kid] », a récemment raconté son ami, Ken Dryden. 

Lafleur est resté le p’tit gars de Thurso parce qu’il était attaché à son patelin. 

« C’est son enfance, sa famille », me dit sa sœur, Lise. 

« Ça lui rappelle son enfance, et toute sa parenté est ici. Ça lui tenait à cœur, la région. »

Une bonne idée

Rebaptiser la 50 pour honorer la mémoire de son frère serait, selon Lise Lafleur, le parfait des cadeaux.

« Si on nommait une autoroute ailleurs au Québec, ça ne représenterait pas bien Guy », m’assure-t-elle. 

Et puis, mine de rien, cette autoroute a du potentiel.

Elle offre de fabuleux panoramas, elle qui surplombe la rivière des Outaouais aussi large qu’un fleuve.

« Elle n’est pas plate à emprunter ! », me dit Lise. 

Écœurée de compter les morts, Québec a rendu la 50 plus sécuritaire par endroits. 

Des travaux ont commencé pour l’élargir.

Elle aura quatre voies sur toute sa longueur, de Gatineau à Mirabel, d’ici 10 ans. C’est ce que la CAQ a promis ce printemps.

« Ils vont en venir à bout à un moment donné ! dit Lise Lafleur. On méritait une vraie autoroute dès le début ». 

Racines profondes

Tout le monde ici est d’accord.

Après des décennies d’attente, ce n’était pas trop demandé. 

Thurso a offert à Guy Lafleur une statue en bronze, en 2013.

La cérémonie avait été particulièrement émouvante. 

Mon collègue de l’époque du quotidien Le Droit, Marc Brassard, avait recueilli ses propos.

« Il ne faut jamais oublier ses origines, d’où on vient, où on s’en va, qu’est-ce qu’on a fait pour réussir. Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est difficile. Si ce bronze-là peut être une source d’inspiration pour les jeunes, alors que moi j’ai rencontré Jean Béliveau quand j’avais 10 ans, ce qui m’a toujours suivi tout au long de ma carrière... Je n’oublierai jamais les gens de Thurso, vous avez été une source d’inspiration pour moi. »

Dans le fond, pour beaucoup de gens d’ici, l’autoroute Guy-Lafleur existe déjà.

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