Les gouvernements pourraient perdre 650 M$ dans un projet de biocarburants
Ébranlée par plusieurs dépassements de coûts, Recyclage Carbone Varennes est en situation d'insolvabilité

Martin Jolicoeur et Sylvain Larocque
Une entreprise de biométhanol dans laquelle Québec et Ottawa ont investi 650 millions $ depuis 2020 est au bord de la faillite alors que son usine n’est toujours pas terminée.
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Insolvable, Recyclage Carbone Varennes (RCV), aussi connu sous le nom d’Éthanol cellulosique Varennes, s’est placée à l'abri de ses créanciers lundi.

Le ministère québécois de l'Économie a autorisé des investissements totaux de 364,5 millions $ dans RCV, soit 202,6 millions $ en actions privilégiées et 161,9 millions $ sous forme de prêt. De cette somme, 221,6 millions $ ont été déboursés jusqu'ici (116,5 millions $ en actions privilégiées et 105,1 millions $ en prêt).
L’entreprise a également reçu un prêt de 241 millions $ de la Banque de l’infrastructure du Canada et des subventions totalisant 187 millions $ du gouvernement fédéral.
En tout, ce sont donc tout près de 650 millions $ de fonds publics qui sont à risque avec l’insolvabilité de RCV.
Dépassements de coûts
En janvier, Le Devoir avait fait état de dépassements de coûts de 200 millions $, ce qui portait le budget total du projet à tout près de 1,49 milliard $.
RCV est codétenue par les pétrolières Suncor et Shell ainsi que le gouvernement du Québec.
En 2022, Pierre Fitzgibbon, qui était alors ministre de l’Économie, avait volé au secours de l’entreprise, qui faisait face à des dépassements de coûts de 400 millions $, en y réinjectant 285 millions $.
Le gouvernement prenait ainsi le relais d’Hydro-Québec, qui devait investir 190 millions $ dans l’une des deux composantes du projet, un électrolyseur d’hydrogène vert, mais qui s’est désisté.

«C’est important pour le Québec de prendre sa place» dans le secteur des biocarburants et de l’hydrogène vert, avait alors soutenu M. Fitzgibbon.
Nombreux retards
En gestation depuis plusieurs années, le projet de RCV a connu de nombreux retards.
Les futures installations devaient permettre de produire des biocarburants à partir de résidus de biomasse forestière et de déchets. Le carbone extrait de ces matières solides devait être ajouté à de l’hydrogène vert produit sur place pour fabriquer du biométhanol.
RCV devait utiliser un procédé thermochimique mis au point par l’entreprise québécoise Enerkem, qui a elle aussi connu d’importantes difficultés financières malgré d’importantes aides gouvernementales.
Le projet de RCV devait créer plus de 500 emplois au plus fort de la construction et environ 100 emplois permanents au moment de l’entrée en service, prévue l’an prochain.
L’usine de recyclage du carbone devait réduire les émissions de gaz à effet de serre de plus de 170 000 tonnes par année, soit l’équivalent de 50 000 véhicules passagers.
Note: les montants d’aide gouvernementale indiqués dans une version précédente de cet article ont été modifiés après la réception de nouvelles informations.
Aides gouvernementales consenties à RCV
Ministère de l’Économie (MEIE)
- Placement en actions privilégiées de 80 M$ (décembre 2020)
- Prêt de 80 M$ (janvier 2021)
- Placement en actions privilégiées de 122,6 M$ (janvier 2023)
- Prêt de 81,9 M$ (février 2023)
Banque de l’infrastructure du Canada
- Prêt de 241 millions $ (mars 2023)
Ressources naturelles Canada
- Subvention de 117,2 M$ (février 2024)
Logement, Infrastructures et Collectivités Canada
- Subvention de 70 M$ (mars 2022)
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