Steve Bannon, l'éminence grise déchue de Donald Trump
Agence France-Presse
Il a été banquier d'affaires, patron de presse et haut conseiller en stratégie à la Maison-Blanche, mais, signe de sa déchéance, le populiste Steve Bannon a été condamné vendredi à quatre mois de prison pour avoir refusé de coopérer avec l'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole.
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L'homme de 68 ans, contempteur virulent de l'establishment politique, est étroitement associé aux idées de la droite extrême qu'il a poussées, grâce à Donald Trump, au sommet du pouvoir fédéral.
Aisément reconnaissable à sa crinière poivre et sel - qui a récemment blanchi - il avait été reconnu coupable en juillet d'«entrave aux prérogatives d'enquête du Congrès». Les procureurs avaient requis six mois de détention, lui reprochant d'avoir sciemment ignoré les convocations de la commission parlementaire qui cherche à établir les responsabilités de l'assaut contre le Capitole et épinglant son «mépris» et sa «mauvaise foi» tout au long de la procédure.

Le juge Carl Nichols a finalement opté pour quatre mois de prison, assortis d'une amende de 6 500 dollars.
La veille du 6 janvier 2021, jour ayant ébranlé la démocratie américaine, M. Bannon avait prédit que «tout l'enfer» déferlerait. Il avait surtout échangé le même jour au téléphone avec M. Trump, dont il a conservé l'oreille longtemps après que celui-ci l'eut écarté de la West Wing.
S'il fallait une autre preuve des liens entre les deux hommes, on pourrait citer la décision du locataire de la Maison-Blanche, juste avant son départ, de gracier son ancien collaborateur dans une autre affaire. M. Bannon était accusé d'avoir détourné des fonds prétendument destinés à la construction d'un mur à la frontière mexicaine.

C'est dans les mois qui ont précédé la victoire électorale de M. Trump en 2016 que M. Bannon a commencé à imprimer son empreinte, dans la dénonciation populiste d'un ordre mondial contrôlé par des élites politiques et financières.
Des idées qu'il défendait en dirigeant le site d'information controversé Breitbart, plaque tournante de la «droite alternative», mouvement associé à certaines thèses conspirationnistes et comptant nombre de militants convaincus de la supériorité de la race blanche.
L'entrée de Steve Bannon à la Maison-Blanche début 2017 a d'ailleurs été dénoncée par des associations antiracistes, qui ont rappelé les innombrables articles incendiaires publiés sur Breitbart, frôlant l'antisémitisme, alimentant la nostalgie pour le drapeau confédéré ou dénonçant le multiculturalisme.
«L'extrême droite raciste et fasciste est représentée au seuil du Bureau ovale», avait tweeté John Weaver, proche du républicain modéré John Kasich.

D'autres démocrates avaient cité les accusations de l'ex-femme de Steve Bannon, Mary Louise Piccard, selon lesquelles son ex-mari avait refusé d'envoyer leurs enfants dans une certaine école en raison de la présence de juifs. Des accusations qu'il a niées.
«Je ne suis pas un suprémaciste blanc, je suis un nationaliste, je suis un nationaliste économique», avait déclaré Steve Bannon dans un premier entretien à la Maison-Blanche.
Au fil des mois au coeur du pouvoir, le «président Bannon», ainsi qu'on surnommait l'influent conseiller, a semblé connaître des moments de faveur ou de disgrâce, n'obtenant de soutien ni auprès des médias qu'il a qualifiés de «parti d'opposition», ni auprès des «élites» qu'il a promis de secouer.

Ses relations avec le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, étaient notoirement mauvaises.
Il a été forcé de quitter l'exécutif en août 2017 dans le sillage des violences dans la ville de Charlottesville en Virginie, lors d'un rassemblement de militants de la droite radicale.
Une jeune femme avait trouvé la mort, après qu'un sympathisant néonazi eut foncé en voiture dans un groupe de manifestants antiracistes.
Né à Norfolk, dans ce même État, M. Bannon explique avoir grandi dans une famille ouvrière démocrate, proKennedy, prosyndicats. Ses études achevées, il s'est engagé plusieurs années dans la marine, comme jeune officier.
Steve Bannon a ensuite été banquier d'affaires chez Goldman Sachs dans les années 1980. Il a alors fondé une petite banque d'investissements, Bannon & Co, rachetée par la Société Générale. Puis il se tourne vers Hollywood.

Dans les années 2000, il commence à produire des films politiques, sur Ronald Reagan, le Tea Party ou Sarah Palin.
Il rencontre à cette époque Andrew Breitbart, fondateur du site du même nom, et se joint à la guerre du Tea Party contre l'establishment politique américain, tant démocrate que républicain.
Ces dernières années, Steve Bannon a élargi ses horizons et témoigné un soutien vigoureux à des partis nationalistes ou d'extrême droite en Asie, Amérique latine et particulièrement en Europe, où il a notamment rencontré Marine Le Pen.
Et, selon un article de presse, le militant possède un portrait de lui-même habillé en Napoléon, offert par le Britannique europhobe Nigel Farage.