Souveraineté du Canada, souveraineté du Québec


Mathieu Bock-Côté
Je voudrais bien, de temps en temps, m’éloigner de la question nationale, et faire semblant que le Québec est un pays normal, mais je vous mentirais.
Et je sais bien que cette question ne passionne pas toujours. Mais c’est parce que nous préférons nous mettre la tête dans le sable.
Nous avons cette étrange manie, au Québec, de croire qu’un problème disparaît dès lors qu’on cesse d’y penser. Mais la question nationale toujours nous rattrape.
Et cette fois-ci, elle nous rattrape avec les grands sparages monarchiques venus de Londres. Ils ont au moins la vertu de nous rappeler la nature de la profonde hypocrisie canadienne.
Je fais le bilan des derniers mois.
Identité
On a appris que la souveraineté canadienne était en danger. Et que c’était terrible.
Le Canada devait à tout prix conserver sa souveraineté, son indépendance. C’était une nécessité vitale. Il fallait même faire des sacrifices économiques pour sauver l’indépendance canadienne, si nécessaire. L’indépendance, pour une nation, est plus importante que tout.
Très bien. Mais pourquoi est-ce vrai pour la souveraineté du Canada, mais pas pour la souveraineté du Québec? Nos fédéralistes s’obstinent à ne pas répondre à cette question simple, car ils savent leur position indéfendable.
Ils seraient alors obligés d’avouer qu’ils ont une forme de mépris pour le Québec. Qu’ils jugent l’indépendance bonne pour le Canada, le Maroc, l’Irlande, et tant d’autres pays, mais pas pour le Québec.
On a appris aussi qu’on pouvait et devait même défendre l’identité canadienne. Qu’il fallait même consacrer un ministère à cela. Un ministère de l’identité canadienne. Pourquoi pas, si cela permet aux Canadiens d’enfin savoir qui ils sont. J’entends par là s’ils sont capables de se définir au-delà du fait de ne pas être des Américains.
Mais que dirait-on devant un éventuel ministère de l’identité québécoise? On hurlerait à l’exclusion, à la discrimination.
On a appris qu’il était légitime d’en appeler à l’histoire canadienne pour défendre la souveraineté du pays. Au point même, je le disais, d’en appeler à un passé lointain, aux racines britanniques, à la monarchie. Et que ce ne serait pas discriminatoire.
Histoire
Inversement, si le Québec fait appel à son histoire, on l’accuse de s’enfermer dans le passé.
Ainsi, s’il rappelle que, de son point de vue, la couronne anglaise représente une histoire d’oppression, de domination, d’assimilation, on lui répond qu’il devrait tourner la page.
De même, il ne lui est pas vraiment permis de référer à l’histoire de la Nouvelle-France, qui est pourtant sa véritable histoire fondatrice, celle où notre peuple a pris racine et pris forme, et où on trouve encore aujourd’hui les fondements de son identité.
Nos fédéralistes se rendent-ils compte de leur hypocrisie? Pour certains, je n’en doute pas. Ils servent un régime étranger, et ils y trouvent des avantages matériels.
Mais les autres? Ceux pour qui le Canada est davantage une habitude qu’un choix? Est-ce qu’ils se réveilleront?