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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Souvenirs de ma rencontre marquante avec le petit roi

Une journée avec Jean-Pierre Ferland

Photo d'archives, Le Journal
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Photo portrait de Sarah-Émilie Nault

Sarah-Émilie Nault

2024-04-28T23:00:00Z
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En novembre 2021, Jean-Pierre Ferland a ouvert toutes grandes les portes de sa maison au Journal. Au lendemain de l’annonce de sa disparition, à l’âge de 89 ans, il n’y a pas meilleur baume que de plonger dans ces souvenirs impérissables et heureux vécus avec ce petit roi devenu grand.

On se rend chez Jean-Pierre Ferland avec le cœur qui s’accélère, au fil des kilomètres menant jusqu’à Saint-Norbert. Parce qu’on s’en va rencontrer une légende, chez lui, dans son intimité. Dans ce lieu magique dont on a tant entendu parler, où galopaient les chevaux il n’y a pas si longtemps et où, effectivement, le temps semble s’arrêter.

On n’imagine certainement pas que c’est Jean-Pierre Ferland lui-même qui ouvrira la clôture de son domaine, comme un vieil ami en attend un autre qu’il n’a pas vu depuis longtemps.

On ne peut penser une seule seconde qu’on s’entendra – en quelques minutes à peine – tellement bien avec sa douce moitié qu’on discutera de nos chums en riant pendant la séance photo ensoleillée avec le grand homme.

Photo Chantal Poirier
Photo Chantal Poirier

Un novembre pas comme les autres

C’était en novembre 2021, mais le soleil brillait si fort que nous sommes restés un long moment dehors. Parmi ses arbres, ses fleurs, au bord de son lac, dans sa nature adorée.

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Jean-Pierre Ferland, 87 ans, était en forme ce matin-là et moi, je me savais privilégiée de vivre ce bout de journée parfait aux côtés du vrai petit roi.

C’est Jean-Pierre («appelle-moi Jean-Pierre», qu’il a dit) qui a remarqué la pochette de l’album Jaune déposée sur ma banquette arrière. C’est lui qui a insisté pour que je sorte le disque vinyle là, tout de suite, afin qu’il n’oublie pas de le dédicacer à mon futur mari. 

J’étais gênée, touchée et extrêmement émue de le voir aussi heureux de me rendre heureuse, pas du tout embêté par ce petit moment volé. 

Avec Chantal Poirier, la photographe du Journal, et Julie Anne Saumur, son amoureuse des 20 dernières années, on a discuté de tout et de rien avec le grand Jean-Pierre Ferland. L’artiste nous a fièrement fait visiter son domaine, nous a fait rigoler en nous montrant la statue de cire à son image déposée dans la maison de ses invités et nous a parlé des beaux moments vécus ici, loin de l’agitation de la ville où tout le monde le reconnaît.

Jean-Pierre Ferland nous a ouvert les portes de son univers où trônaient une horde d’objets hétéroclites et certaines pièces historiques. Ici, le fauteuil Napoléon qui lui avait été offert par son ami Yvon Deschamps. Là, un cliché du chanteur en compagnie de Félix Leclerc, qui était aussi venu le visiter chez lui. 

Beaucoup d’objets en forme d’animaux, des fleurs, des plantes, et de la vie, beaucoup de vie, tout autour.

Deux heures au soleil avec Jean-Pierre

Nous avons opté pour le solarium afin de continuer à profiter de ce surprenant soleil de novembre. En gentleman qu’il était, il m’a laissé le fauteuil, prenant place – malgré mes protestations – devant moi, sur un petit tabouret tournant. Le petit roi avait encore tout d’un enfant. 

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Et pendant deux heures, nous avons discuté. 

De son bouleversant nouvel album, Mes secrets d’amour, tout d’abord, sur lequel il avait choisi, pour la première fois de sa carrière, de dire ses plus belles pièces plutôt que de les chanter. De sa famille (sa douce relation avec ses 5 frères et ses 2 sœurs notamment), de ses débuts d’annonceur à Radio-Canada et de tous les grands artistes rencontrés le long de la route.

De la mort aussi, inévitable sujet abordé lors d’une véritable rencontre; et particulièrement avec un artiste-légende ayant jadis accueilli les Aznavour, Brel et Bécaud dans ses salles de spectacle parisiennes.

«La mort? Je n’ai pas peur de ça pantoute, m’avait-il lancé le plus franchement du monde. Ma vie est faite, j’ai eu du plaisir. Quand tu as réussi ta vie et que tu as 87 ans, tu te dis: je vais mourir quand je vais mourir, c’est tout! Mais il ne faut pas que je dise ça à des gens qui m’aiment.»

Julie Anne et moi nous sommes regardées les yeux voilés.

Avant de reprendre le chemin à la recherche d’un café où aller écrire les souvenirs tout frais de cette grande rencontre («tu peux t’installer dans la maison d’invité», m’avait-il lancé le plus sérieusement du monde, mais jamais je n’aurais osé), j’ai lancé à Jean-Pierre Ferland: «L’amour a joué une grande place dans votre vie, n’est-ce pas?»

«Ça a été la chose qui m’a tenu heureux pendant des années, m’a-t-il répondu, un large sourire aux lèvres. J’ai respecté l’amour et j’aimais cela. Je me suis marié trois fois et je me marierais encore.»

Mon précieux album Jaune autographié sous le bras, le numéro personnel de Jean-Pierre et Julie Anne dans mon téléphone (ils avaient insisté) et la promesse de se revoir lors du spectacle Quand on aime on a toujours 20 ans (en compagnie d’Yvon Deschamps, Louise Latraverse et de sa chère amie Clémence DesRochers), j’ai repris la route vers Montréal en regardant le couple rétrécir en me saluant dans mon rétroviseur. Bien consciente que je venais de vivre une journée qui, au moment de son grand départ – soit maintenant –, allait me faire sourire à travers la douleur de la perte d’un grand.

Chantal Poirier / JdeM
Chantal Poirier / JdeM

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