Soutenir sans perdre toute son énergie


Marie-France Bornais
Comment en vient-on à s’épuiser lorsqu’on est un proche aidant ? Quels sont les facteurs de risques et les symptômes à surveiller ? Y a-t-il des choix à privilégier pour protéger sa santé ? Michelle Arcand, psychologue, et Lorraine Brissette, ancienne travailleuse sociale, expliquent clairement comment soutenir et comment aider sans y laisser sa santé dans leur nouveau livre, Guide de survie des proches aidants.
Michelle Arcand et Lorraine Brissette ont toutes les deux développé une formidable expertise dans une démarche de prévention de l’épuisement spécifiquement à l’intention des proches aidants.
Leur démarche, qu’elles partagent dans cet ouvrage, est conçue pour aider les gens à mettre en place petit à petit des changements concrets pour qu’ils puissent soutenir leurs proches, s’impliquer auprès des êtres chers, et en même temps préserver leur santé.

Elles partagent des réflexions, des témoignages et des conseils pratiques pour que les gens puissent assumer leur rôle de façon lucide, tout en conservant leur dynamisme et leur vitalité.
Le guide arrive à point nommé, dans la situation actuelle. Beaucoup de gens y trouveront des informations pertinentes et des conseils pratiques. « On a vu venir la chose, au début de la pandémie. On travaille en supervision depuis des années avec des intervenants dans différents organismes et on voyait la vague arriver », explique Lorraine Brissette, 70 ans.
Dans le livre, les auteures notent qu’une personne sur quatre a le statut de proche aidant, au Québec. Une réalité très présente. « Le proche aidant peut être un parent d’enfant handicapé, un parent d’une personne qui a une maladie mentale sévère. Ça peut être toutes sortes de problématiques. Tout ce qui est perte d’autonomie, quelle qu’en soit la cause, est maintenant considéré comme une situation de proche aidance. Ça fait beaucoup de monde. »
Lorraine Brissette explique que certaines personnes apportent leur soutien de manière ponctuelle, tandis que d’autres ont le statut de proche aidant sept jours par semaine, 24 heures par jour.
L’épuisement
Les auteures parlent de l’épuisement des proches aidants dans le livre. « Il y a des personnes qui se sentent mal d’avouer qu’elles sont au bout du rouleau. Il y en a qui se sentent coupables. Il y en a qui ont peur du jugement social. Ce n’est pas tabou – on en parle dans les revues et les journaux – mais dans certaines familles, ça peut être un sujet très difficile à aborder, très culpabilisant. »
Pourquoi ? « Souvent, le proche aidant veut se débrouiller, il veut être autonome, être fort, montrer ses capacités. Il ne demande rien. Les personnes âgées, souvent, ne veulent pas demander de l’aide à leurs enfants ou à leurs proches. Elles ont une fausse image de l’autonomie : pour elles, l’autonomie, c’est s’arranger tout seul. Évidemment, elles vont se sentir extrêmement mal quand elles vont dire : aidez-moi, ou je suis au bout, je ne peux pas continuer. »
Toute la notion des promesses entre en ligne de compte. « Les proches aidants se sentent horriblement coupables de devoir, peut-être, abandonner leurs promesses. C’est pas évident. La culpabilité, c’est un des gros nœuds dans toute la situation de la proche aidance. »
Tout le monde n’a pas le même capital d’énergie pour aider ou la même situation sociale.
« Les proches aidants, ça existe depuis toujours. Ce qui est nouveau, c’est que la situation dans laquelle ils agissent a changé. Il y a 50 ans, lorsque les femmes n’étaient pas sur le marché du travail, c’était leur job d’être proche aidant. Aujourd’hui, les femmes sont sur le marché du travail, sont à l’école, sont à l’université. Elles ont des vies super remplies. Donc leur rôle de proche aidant arrive et vient bousculer la vie. »
EXTRAIT
« Quand vous donnez de l’énergie, vous tirez lentement et sûrement sur l’élastique, et vous videz progressivement votre compte en banque énergétique. Pour nous, qui travaillons auprès des proches aidants depuis des années, un épuisement est une faillite énergétique.
Alors, avant que le banquier vous appelle, avant d’être à découvert, il vous faut passer à l’action et regarnir votre réserve énergétique. Heureusement, Lowen nous rappelle que l’énergie se dépense, mais qu’elle peut aussi se renouveler. Comment ? Par les retours énergétiques. Un retour est une gratification plus ou moins immédiate pour un investissement d’énergie. Les retours peuvent provenir de toutes les personnes de votre entourage, mais aussi de toutes les activités ou entreprises où vous vous investissez. »
- Lorraine Brissette (à gauche sur la photo ci-dessus) est une ancienne travailleuse sociale, spécialisée en gérontologie. Elle a travaillé pendant de nombreuses années dans le réseau de la santé et des services sociaux. Elle est originaire de Saint-Barthélemy.
- Michelle Arcand (à droite sur la photo ci-dessus) est psychologue. Elle a tour à tour été thérapeute, enseignante, conférencière et auteure. Elle est originaire de Cap-de-la-Madeleine (maintenant Trois-Rivières), en Mauricie.