Sous-marin disparu près du Titanic: un Québécois avait pourtant sonné l'alarme en 2018
Le spécialiste est convaincu que les occupants du sous-marin ont des chances de survivre...

Francis Pilon
Un ingénieur d’origine québécoise et expert dans la construction de submersibles avait déjà sonné l’alarme en 2018 sur les dangers liés au sous-marin de la compagnie OceanGate, lequel a disparu en explorant l’épave du Titanic.
«C’est terrible de voir ça en ce moment... On finit par se demander si on aurait pu faire plus pour éviter cette situation», confie en entrevue avec Le Journal William Kohnen, joint par téléphone à son domicile en Californie.
L’ingénieur, qui a étudié à l’Université McGill à Montréal et a grandi à Saint-Hyacinthe, est désormais président du comité spécialisé dans les sous-marins de la Marine Technology Society aux États-Unis. M. Kohnen fait les manchettes depuis qu’un petit sous-marin, appartenant à la compagnie privée OceanGate, a disparu avec cinq occupants à bord durant une expédition touristique près de l’épave du Titanic.
«En 2018, je leur avais écrit une lettre et j’ai parlé au téléphone de mes inquiétudes avec le propriétaire Stockton Rush au nom de la Marine Technology Society, raconte M. Kohnen. On savait que ses sous-marins ne passeraient pas une inspection normale. En ce moment, le problème, c’est que le submersible n’émet pas de sons et on ne peut pas le retrouver...»

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Trop de temps et d’argent
Le Québécois d’origine, qui a déménagé il y a près de 30 ans en Californie pour travailler dans son domaine, affirme que l’entreprise OceanGate a fait la sourde oreille quand il a partagé ses inquiétudes liées à leur commerce.
«On leur a demandé qu’il soit au moins certifié par des experts pour qu’ils respectent les normes de notre industrie... Mais on nous disait que ça prendrait trop de temps et d’argent», soupire William Kohnen.
L’expert rappelle que les compagnies ne sont pas obligées d’obtenir une quelconque certification obtenue par un tiers pour garantir la sécurité de leur sous-marin, celle-ci se fait plutôt sur une base volontaire.
«Pourtant, les autres entreprises le font. C’est la raison pour laquelle on a averti OceanGate en 2018», soutient le président du comité spécialisé dans les sous-marins de la Marine Technology Society.

Sous-marin illégal au Canada et aux É.-U.
William Kohnen insiste aussi sur le fait que le submersible disparu près de l’épave du Titanic ne pourrait pas circuler dans les eaux canadiennes ou américaines.
«La compagnie opère dans les eaux internationales, où les règles du Canada et des États-Unis ne s’appliquent pas. Le sous-marin ne pourrait sûrement pas circuler chez nous parce qu’il répond pas aux standards. OceanGate est dans un loophole [vide juridique] où elle n’a pas à respecter de critères quelconques», soutient-il.
Il rappelle que l’industrie du sous-marin n’a pas vécu une telle catastrophe depuis au moins 1975. Il espère que cet événement invitera OceanGate à revoir ses pratiques.
- Écoutez l'entrevue d'Alexandre Dubé avec Sébastien Pelletier, président de l’organisme Les plongeurs d’épaves techniques du Québec, via QUB radio:
Peut-être encore vivants
Le spécialiste croit tout de même que les cinq personnes à bord du submersible, d’environ 6,5 m de long, sont peut-être encore vivantes. Elles sont portées disparues depuis dimanche.

Les autorités ont d’ailleurs capté mercredi des bruits dans l’Atlantique Nord qui pourraient les aider à trouver le sous-marin. Cette découverte a donné un nouvel élan d’espoir aux sauveteurs dépêchés sur les lieux.
Canadian P-3 aircraft detected underwater noises in the search area. As a result, ROV operations were relocated in an attempt to explore the origin of the noises. Those ROV searches have yielded negative results but continue. 1/2
— USCGNortheast (@USCGNortheast) June 21, 2023
«Je garde espoir parce qu’on n’a pas trouvé de débris de l’appareil dans les eaux ou dans l’air. Ce n’est vraiment pas facile de le trouver dans cet espace qui est immense. Il y a de fortes chances qu’ils soient au fond de l’océan, pris, et incapables de remonter», explique William Kohnen.
Selon lui, l'un des plus grands enjeux à bord de l’appareil sera d’économiser l’électricité pour avoir de l’oxygène et de la chaleur le plus longtemps possible. La course contre la montre devient de plus en plus cruciale mercredi. Selon les autorités et experts dans le domaine, les réserves d’oxygène seront épuisées à bord du sous-marin d’ici jeudi matin.
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