Sondage Léger-Le Journal: l’inflation et la guerre tourmentent les Québécois

Dominique Lelièvre
Même s’ils ont bon espoir que le pire de la pandémie est derrière, les Québécois accueillent 2023 avec un niveau de stress élevé en raison de l’augmentation faramineuse du coût de la vie et de la peur que la guerre en Ukraine dégénère.
Selon un sondage inédit Léger-Le Journal sur les craintes des Québécois pour l’année 2023, plus de quatre Québécois sur dix appréhendent l’impact de la hausse des prix à la consommation, ce qui en fait la préoccupation numéro un.
La crainte d’un conflit mondial arrive en deuxième rang. Elle est partagée par 27 % des répondants, sans doute un sommet depuis la fin de la guerre de Bosnie au milieu des années 90, selon le sondeur Jean-Marc Léger.
«Il y a un niveau de stress élevé. [...] Les gens sont stressés et de plus en plus», analyse le PDG de la firme Léger.
En outre, plus de 20 % des répondants craignent de manquer d’argent et identifient l’augmentation des taux d’intérêt comme étant problématique.
Cette insécurité financière est particulièrement palpable chez les jeunes adultes.
Inflation économique
«Si pour les Québécois la pandémie est derrière, la perception du manque d’argent ou les difficultés économiques sont devant nous», résume M. Léger.
Les intervenants de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de la Rive-Sud de Québec peuvent en témoigner.
«Les gens vont chercher de la marge de manœuvre comme ils le peuvent», dit la directrice Édith St-Hilaire. Mais le coût de la vie en rattrape plusieurs.
Les demandes d’aide sont en hausse et l’on voit malheureusement des personnes vulnérables couper dans des besoins de base, comme des médicaments.
«Les gens vivent beaucoup justement de stress par rapport à ça. Avant, ils se demandaient : “Est-ce que je vais arriver?” Maintenant, ils nous disent : “On n’arrive plus”.»
L’organisme conseille de s’informer sur les prestations disponibles, de limiter le recours au crédit et d’aller chercher de l’aide avant qu’il soit trop tard.
Inflation rhétorique
À propos de la guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, le professeur Charles-Philippe David ne s’étonne pas que l’inquiétude se rende jusqu’à nous.
«C’est sûr que l’intérêt pour cette guerre-là est plus grand en raison de la proximité identitaire», dit le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand, en études stratégiques et diplomatiques.
Près d’un Québécois sur dix (8 %) avoue même craindre une attaque nucléaire.
M. David invite toutefois à «garder la tête froide», même s’il est difficile de prédire l’avenir. «Il faut garder une certaine mesure de prudence dans la rhétorique inflationniste», tempère le professeur.
QUE CRAIGNEZ-VOUS LE PLUS EN 2023?

6. La hausse des taux d’intérêt 21 %
7. Le virus de la COVID-19 ou autre épidémie 16 %
8. Être victime d’un vol d’identité ou de fraude 10 %
9. Une pénurie d’aliments 9 %
10. Souffrir d’épuisement ou de dépression 9 %
11. Une attaque nucléaire 8 %
12. Les canicules 5 %
13. Manquer de nourriture 4 %
14. Les froids extrêmes 4 %
15. Être victime d’un feu 3 %
16. La perte de son emploi 3 %
17. Me divorcer ou me séparer 3 %
18. Faire faillite 3 %
19. Être victime d’un acte de violence 3 %
20. Une attaque terroriste 3 %
21. Les inondations 2 %
22. Les tornades ou cyclone 2 %
23. Les feux de forêts 2 %
24. Être victime d’une agression à caractère sexuel 1 %
25. Être victime d’un vol 1 %
26. Les glissements de terrain 1 %
27. Les tremblements de terre 0 %
28. Les éruptions volcaniques 0 %
TOP 5 PAR GROUPE D’ÂGE
18 - 34 ANS
- La hausse des prix à la consommation 40 %
- Manquer d’argent 38 %
- La hausse des taux d’intérêt 28 %
- Une guerre mondiale 20 %
- La perte d’un proche 17 %
35 - 54 ANS
- La hausse des prix à la consommation 46 %
- La hausse des taux d’intérêt 24 %
- Une guerre mondiale 23 %
- Manquer d’argent 23 %
- La perte d’un proche 19 %
55 ANS ET PLUS
- La hausse des prix à la consommation 43 %
- Une guerre mondiale 35 %
- La perte d’un proche 35 %
- Avoir une maladie grave 33 %
- Le virus de la COVID-19 ou une autre épidémie 23 %
Méthodologie : Un sondage Web a été réalisé auprès de 1002 Québécois âgés de 18 ou plus du 7 au 10 décembre 2022. Les répondants devaient pouvoir s’exprimer en français ou en anglais et ont été recrutés aléatoirement à l’aide du panel en ligne de LEO. Les participants pouvaient sélectionner jusqu’à trois choix de réponse à la question «Que craignez-vous le plus en 2023?».
LES DÉSASTRES CLIMATIQUES, PAS À COURT TERME

Le coup de sonde démontre qu’une minorité des répondants perçoivent un risque imminent d’être victimes d’un événement climatique ou d’un désastre naturel. En effet, seulement 5 % des répondants ont mentionné les canicules comme étant une menace pour 2023, alors que 4 % ont identifié les froids extrêmes. Les inondations, les tornades et les feux de forêt ont été soulevés chacun par 2 % des participants. La proportion est de 1 % ou moins pour les glissements de terrain, les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques. Cependant, ces réponses mises ensemble constituent un taux de 16 %, ce qui n’est pas négligeable.
L’enquête visait à mesurer les craintes relativement à des éventualités précises pour l’année 2023, ne se rapportant pas aux changements climatiques à proprement parler. «Ce n’est pas la principale crainte pour 2023. Si j’avais posé la question [sur] la principale crainte pour les 10 prochaines années, là, elle aurait été dans les tops», avance M. Léger.
LA PANDÉMIE MOINS OPPRESSANTE
Après près de trois années à subir la pandémie de COVID-19, les Québécois semblent bel et bien avoir appris à «vivre avec le virus», comme le veut la formule consacrée. Une certaine confiance dans l’avenir s’est visiblement installée, puisque seulement 16 % des répondants ont identifié «le virus de la COVID-19 ou une autre épidémie» comme étant l’une de leurs principales craintes pour la prochaine année.
«Même si c’est encore là alentour [de nous], les gens ont appris à vivre avec et ce n’est pas leur préoccupation première. Oui, il y a 16 % dont c’est la préoccupation première, mais globalement, ce n’est pas ça», souligne Jean-Marc Léger. Cette impression que le pire est derrière nous varie toutefois selon l’âge. Chez les 18-34 ans, seulement 8 % sont préoccupés, comparativement à 23 % dans le groupe des 55 ans et plus.
LA FRAUDE, UNE MENACE SÉRIEUSE
Fléaux des dernières années, le vol d’identité et la fraude sont loin d’être pris à la légère par les Québécois. Selon le sondage Léger-Le Journal, pas moins d’un répondant sur dix craint d’en être victime dans un avenir rapproché. «C’est un élément qui grimpe de plus en plus. C’est une des craintes. Quand tu dis que c’est ta crainte pour 2023 de faire face à la fraude, ça commence à toucher pas mal de gens», souligne Jean-Marc Léger.
«On en voit plus», constate également Édith St-Hilaire, de l’ACEF de la Rive-Sud de Québec, faisant état de plusieurs aînés qui ont été victimes de fraude en raison de malfaiteurs qui ont détourné les programmes de PCU et de PCRE, des aides fédérales durant la crise sanitaire. Ceux-ci avaient demandé des prestations au nom des personnes âgées.
Rappelons qu’en 2021, le Québec s’est classé au premier rang des provinces canadiennes pour le nombre de fraudes d’identité sur son territoire.
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