Son nom est Bond, Philippe Bond

Sophie Durocher
Une autre semaine, un autre cas d’allégations d’inconduite sexuelle contre une personnalité publique.
À qui le tour ? Qui sera cloué au pilori la semaine prochaine ?
Une semaine, c’est un humoriste, l’autre, c’est une comédienne, et la semaine d’après, c’est un chanteur.
On a l’impression que le milieu artistique québécois fourmille de prédateurs.
Hier, c’est l’humoriste Philippe Bond qui a été visé par des allégations après une enquête de La Presse.
Je vais répéter ce que j’ai écrit chaque fois que des cas semblables font surface : ne faisons pas le procès d’individus sur la place publique.
Écoutez la chronique culturelle avec Marika Simard au micro d'Alexandre Moranville-Ouellet sur QUB radio :
TRIBUNAL POPULAIRE
Je suis abasourdie par les réactions que je lis après l’enquête de La Presse.
« La morale de cette histoire : Croyez toujours les victimes et surtout, respectez-les dans leurs choix de raconter leurs histoires ou de poursuivre leur agresseur ! », ai-je lu de la part d’un internaute qui affirme avoir été contacté récemment par certaines des femmes qui témoignaient dans La Presse.
Comment ça, on devrait toujours croire « les victimes » ? Plus besoin d’enquête policière, plus besoin d’interrogatoire, plus besoin de procès ? Et comment fait-on la distinction entre des vraies et des fausses victimes, dites-moi ?
Une autre question... Mon but n’est pas de culpabiliser les plaignantes, mais on peut légitimement se demander pourquoi elles n’ont pas aussitôt dénoncé Philippe Bond, dès que les faits allégués se seraient produits. Dénoncer à la police ou à l’entourage de Bond ou à ses employeurs. Je sais que certaines affirment avoir été mal reçues par les policiers, qui ne les auraient pas prises au sérieux. Mais les autres, qui ont gardé le silence, n’auraient-elles pas dû entamer des démarches, ne serait-ce que pour empêcher qu’il fasse d’autres victimes ?
Prenons le cas de Harvey Weinstein. C’est après deux enquêtes, une du New Yorker et du New York Times, que le producteur a connu la déchéance. Mais il a ensuite fallu que la justice se prononce. Tant que des faits n’ont pas subi le test d’une cour de justice, cela reste des allégations.
Une autre chose me chicote. J’ai vu passer le message du producteur Guillaume Lespérance qui affirmait hier : « Ça fait PLUSIEURS années que je refuse d’avoir Philippe Bond sur mes productions. L’article de ce matin explique cette décision ».
Comme me l’a écrit un ami avocat : « Ce qui m’interpelle, c’est ce “on le savait, mais...” Les gens qui “savent” peuvent aussi parler et éviter d’autres victimes. »
Je me mets à la place du citoyen ordinaire qui lit de tels gazouillis et se dit : coudonc, tout le monde savait et se taisait, c’est l’omertà dans le milieu artistique ?
En terminant, un mot sur Thomas Levac, cet humoriste qui a récemment accusé Bond de viol dans un balado. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui une enquête journalistique dévastatrice pointe Bond du doigt que ça justifie les propos de Levac. Je vois beaucoup circuler de messages félicitant Levac, le saluant comme un héros.
Dans un état de droit, personne ne peut impunément diffuser des accusations aussi graves.
LA PROCHAINE ÉTAPE
Bravo aux femmes qui se sont confiées à La Presse. Je les trouve courageuses et fortes. Maintenant, il faut aller plus loin, et porter leurs voix devant la justice.
Pour que celui qui les aurait agressées ne puisse pas dire que « ce ne sont que des allégations ».