«Son ennemi à elle, il était à l’intérieur des rangs»: dans «Seule au front», la cinéaste Mélanie Charbonneau raconte le parcours de Sandra Perron, la première femme officière d’infanterie au Canada


Maxime Demers
Avec Seule au front, son nouveau long métrage, la réalisatrice Mélanie Charbonneau porte à l’écran le parcours d’une pionnière, Sandra Perron, la première femme à avoir accédé au rang d’officière d’infanterie au sein des Forces armées canadiennes. Un récit de courage et de résilience qui l’a touchée droit au cœur.
«L’histoire de Sandra n’est pas celle d’un soldat glorieux qui revient de la guerre après avoir vaincu l’ennemi. Son ennemi à elle, il était à l’intérieur des rangs», résume la cinéaste en entrevue au Journal.
Dès son entrée dans l’armée, à la fin des années 1980, Sandra Perron, une fille de militaire native du Manitoba, a dû faire face à un milieu dominé par les hommes et où régnait un climat sexiste et hostile.
Dans son film adapté du livre autobiographique de Perron, Mélanie Charbonneau (Fabuleuses) raconte les nombreuses épreuves que la jeune femme (jouée à l’écran par l’actrice Nina Kiri) a dû affronter à l’époque pour se frayer un chemin dans l’armée.
«Pour moi, c’était nécessaire de faire ce film-là parce que c’était important que le public à travers le Canada découvre l’histoire de Sandra.
«Mais surtout, ce qui m’a interpellée, c’était l’injustice, le courage et la résilience de cette femme-là. J’ai aussi été séduite par la manière qu’elle avait de raconter son histoire [dans son livre], qui était déjà très cinématographique et très immersif. Elle était beaucoup dans les détails physiques, la boue dans les cheveux, les ongles sales, la dureté des entraînements. Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire avec cette histoire-là.»

Une photo qui fait scandale
Mélanie Charbonneau a décidé d’articuler le récit de son film autour d’un événement marquant de la carrière militaire de Sandra Perron. À son retour d’une mission en Croatie, en 1995, la capitaine surprend tout le monde en annonçant sa démission. Peu après, une photo troublante la montrant attachée à un arbre, en uniforme, fait surface. Alors que l’armée mène une enquête sur l’affaire et tente de trouver des coupables, Sandra Perron devra replonger dans ces vieux souvenirs douloureux.
«Ce qui m’a sauté aux yeux dans l’histoire de Sandra, c’était son silence. J’avais envie de faire une enquête sur ce silence-là, de le comprendre, de se mettre à la place du spectateur qui, dans ses yeux de 2025, se dit: pourquoi tu n’as pas dénoncé et tu n’as pas parlé à ce moment-là?»
Sandra Perron dit avoir reçu des offres d’adaptations cinématographiques rapidement après la sortie de son livre autobiographique, en 2017.
«La première personne qui s’est présentée à moi, c’était une productrice de Calgary, et elle, sa façon d’approcher ça, c’était de frapper fort sur les militaires. Mais moi, ce n’était pas ça que je voulais faire. Quand on lit mon livre, on voit à quel point l’armée est encore ma famille et que j’ai une grande loyauté envers les Forces armées, même si j’ai subi des choses atroces.»

Sandra Perron, qui a fondé le Pepper Pod (un centre de ressourcement pour les anciennes combattantes canadiennes), espère que la sortie du film continuera d’aider la cause des femmes militaires.
«Depuis la présentation du film au Festival de Toronto, j’ai reçu pas moins de 200 lettres et messages de femmes qui me remercient d’avoir raconté leur histoire. C’est très touchant et je suis fière d’avoir ouvert la voie pour plusieurs femmes de la génération après la mienne. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire, et les femmes qui sont dans l’armée aujourd’hui ouvrent la voie pour les prochaines générations.»
Le film Seule au front (Out Standing) à l’affiche le 26 septembre