Sommes-nous prêts à faire plus pour l’Ukraine?

Joseph Facal
Cela me fait de la peine de l’écrire, mais je me demande si nous ne regardons pas la guerre en Ukraine davantage avec notre cœur qu’avec nos yeux.
Oui, la résistance ukrainienne est admirable et inspirante.
Oui, l’invasion russe fut mal préparée et se heurte à des difficultés considérables.
Oui, les troupes russes changent de stratégie et se concentrent sur le sud et l’est du pays.
- Écoutez l'édito de Joseph Facal à l'émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 8 h via QUB radio :
Gagnant
Mais la réalité sur le terrain est que l’armée russe progresse, même si c’est plus difficile que prévu.
Les médias montent en épingle les succès ukrainiens et les déboires russes, mais le temps joue en faveur des Russes, en raison de leur énorme supériorité matérielle et parce qu’ils sont prêts à commettre toutes les atrocités pour s’imposer.
Un ancien ambassadeur français, Michel Duclos, évoquait, dans Le Monde du 12 avril, les trois scénarios qu’il jugeait les plus réalistes.
Le premier est un conflit qui s’enlise sans conclusion claire.
Le second est une victoire à l’arraché de la Russie.
Le troisième est une partition territoriale de l’Ukraine qui laisserait la Russie maîtresse d’une large partie du sud et de l’est du pays.
Dans ces trois scénarios, Poutine sort gagnant.
Même dans le premier scénario, l’Ukraine serait dévastée, et sa reconstruction coûtera une fortune à l’Occident.
La Russie resterait un voisin menaçant et Poutine ne tomberait pas.
L’Union européenne et l’OTAN auraient compris le message et garderaient leurs distances.
Certes, ce ne sont pas les seuls scénarios, mais ce sont les plus probables.
Une victoire militaire de l’Ukraine sans engagement direct des pays occidentaux n’est pas réaliste.
Un renversement de Poutine par les oligarques autour de lui ? On ne voit pas un poil qui bouge.
Que la Chine fasse entendre raison à Poutine ? Rendons-nous à l’évidence : la Chine ne pense qu’à elle.
Elle continuera à soutenir Poutine parce qu’elle souhaite un partenariat sino-russe autoritaire, dont elle serait le pôle fort, pour continuer à faire reculer l’hégémonie et les valeurs occidentales à travers le monde.
La Russie et la Chine voient aussi que l’Occident ne semble pas disposé à en faire tellement plus que les sanctions économiques déjà en place et les livraisons d’armes.
Dans cette éventualité, plus le temps passera, plus les conséquences des sanctions dans nos propres sociétés risquent de fissurer la solidarité du camp occidental.
On annonce déjà d’autres hausses du prix du carburant dans les semaines à venir.
Nos sociétés sont ce qu’elles sont : quand notre portefeuille est touché, nos principes faiblissent.
C’est désagréable à entendre, mais c’est ainsi.
Poutine, lui, n’hésitera pas à imposer des sacrifices à sa propre population. Il ne joue pas sa réélection et ne gouverne pas par sondages.
Volonté
Pour inverser vraiment les cours des événements au lieu de simplement les retarder, il faudrait que nos dirigeants fassent beaucoup plus.
Mais ils n’iront jamais plus loin que ce que leurs électeurs accepteront.
Sommes-nous prêts à en faire plus et à en payer le prix ?