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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Soldats nord-coréens en Ukraine: et si Kyïv copiait Moscou et «internationalisait» le conflit?

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Photo portrait de Samuel Roberge

Samuel Roberge

2024-10-25T01:37:09Z
2024-10-25T12:19:24Z
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Les preuves du déploiement de soldats nord-coréens dans les zones de combat entre la Russie et l’Ukraine s’accumulent, mais cette collaboration entre Pyongyang et Moscou qui ne cesse de se renforcer ouvre sur un plus grand nombre de questions.

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«Pourquoi l’Ukraine ne pourrait-elle pas faire venir des soldats de l’extérieur de l’Ukraine aussi? Internationaliser le champ de bataille de ce côté-là?» a demandé le colonel américain retraité Peter Mansoor, lors d’une entrevue à CNN lundi.

«Je crois que c’est grave, a-t-il ajouté. Cela montre que l’axe des autocraties a en effet des dents.»

Ce dernier s’est justement avancé sur un scénario où Kyïv décidait de copier l’initiative de Moscou.

«Ce serait crucial si cela incluait une puissance aérienne qui pourrait aider les Ukrainiens à obtenir et maintenir la supériorité aérienne, ce dont ils ont désespérément besoin s’ils veulent transformer le conflit en une guerre de manœuvre plutôt qu’une guerre d’enlisement», a-t-il expliqué.

Cette photo prise le 11 septembre 2024 et diffusée par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS le 13 septembre 2024, montre des soldats s’entraînant sur une base des forces armées d’opérations spéciales de l’Armée populaire coréenne (KPA) dans un lieu non divulgué en Corée du Nord.
Cette photo prise le 11 septembre 2024 et diffusée par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS le 13 septembre 2024, montre des soldats s’entraînant sur une base des forces armées d’opérations spéciales de l’Armée populaire coréenne (KPA) dans un lieu non divulgué en Corée du Nord. Photo AFP

D’ailleurs, depuis le début de la guerre, aucun des deux belligérants n’a réussi à imposer une supériorité aérienne permanente.

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Et c’était dans le but que la Russie, qui possède un plus grand arsenal d’avions de combat, ne puisse exploiter cet avantage que le président ukrainien avait fait la demande, dans les premières semaines du conflit, de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne (no-fly zone) par l’OTAN.

Cette mesure aurait eu pour objectif qu’aucun aéronef ne puisse survoler le ciel ukrainien.

Mais les Occidentaux avaient refusé une telle demande, puisque cela aurait signifié que les avions otaniens s’engagent et tentent d’abattre les avions russes repérés au-dessus du territoire ukrainien.

Une forme d’engagement direct entre les chasseurs russes et otaniens qui aurait pu entraîner l’Alliance dans une guerre avec la Russie, et c’est exactement ce que les dirigeants occidentaux voulaient éviter à tout prix.

Des Nord-Coréens déployés dans la région russe de Koursk

L’Ukraine a affirmé jeudi que des soldats nord-coréens avaient été déployés dans la région russe de Koursk, où les troupes ukrainiennes contrôlent des centaines de kilomètres carrés, les Occidentaux craignant que leur participation aux combats n’entraîne une escalade majeure dans la guerre.

Cette photographie prise le 16 août 2024, lors d’une visite de presse organisée par l’Ukraine, montre un char russe détruit à l’extérieur de la ville russe de Sudzha, contrôlée par l’Ukraine, dans la région de Koursk, en plein milieu de l’invasion russe de l’Ukraine.
Cette photographie prise le 16 août 2024, lors d’une visite de presse organisée par l’Ukraine, montre un char russe détruit à l’extérieur de la ville russe de Sudzha, contrôlée par l’Ukraine, dans la région de Koursk, en plein milieu de l’invasion russe de l’Ukraine. Photo AFP

Ces affirmations interviennent alors que les députés russes ont voté plus tôt dans la journée, à l’unanimité, la ratification du «traité sur le partenariat stratégique global» avec la Corée du Nord, qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression armée de la part d’un pays tiers.

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«Les premières unités de l’armée de la Corée du Nord, qui ont été formées sur des terrains d’entraînement de l’est de la Russie, sont déjà arrivées dans la zone de combat» entre l’Ukraine et la Russie, ont indiqué les services ukrainiens de renseignement militaire (GUR) dans un communiqué.

«Le 23 octobre 2024», soit mercredi, «leur apparition a été enregistrée dans la région [russe] de Koursk», ont-ils ajouté.

Interrogé sur le sujet, le président russe, Vladimir Poutine, qui a entrepris depuis 2022 un rapprochement diplomatique et militaire accéléré avec son homologue nord-coréen, Kim Jong-un, a évité de répondre directement, préférant initialement critiquer le rôle des Occidentaux en Ukraine depuis 2014.

Cette photo prise le 19 juin 2024 et diffusée le 20 juin 2024 par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS, montre le leader nord-coréen, Kim Jong-un (à droite), et le président russe, Vladimir Poutine (à gauche), se serrant la main après une cérémonie de signature à l’issue de leurs discussions bilatérales à la maison d’hôtes d’État de Kumsusan, à Pyongyang.
Cette photo prise le 19 juin 2024 et diffusée le 20 juin 2024 par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS, montre le leader nord-coréen, Kim Jong-un (à droite), et le président russe, Vladimir Poutine (à gauche), se serrant la main après une cérémonie de signature à l’issue de leurs discussions bilatérales à la maison d’hôtes d’État de Kumsusan, à Pyongyang. Photo AFP

«L’imagerie est une chose sérieuse, s’il y a des images [sur le déploiement de forces nord-coréennes en Russie], c’est qu’elles reflètent quelque chose...», a-t-il ironisé. Et de lancer face aux journalistes: «Nous n’avons jamais douté que les Nord-Coréens prennent nos accords [de coopération] au sérieux».

«Ce sont nos affaires», a-t-il encore appuyé au moment d’évoquer l’article 4 du traité commun Russie-Corée du Nord, qui prévoit «une aide militaire immédiate» en cas d’agression armée de pays tiers.

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Ce traité entre la Russie et la Corée du Nord avait été signé le 19 juin durant une rare visite du président Poutine à Pyongyang, illustration de cette intensification des relations bilatérales.

«Pas les bras croisés»

Plus tôt jeudi, le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, avait prévenu que son pays ne resterait «pas les bras croisés» face à un envoi de troupes nord-coréennes sur le sol russe, se disant même prêt à étudier «avec plus de souplesse» la possibilité de fournir des armes à l’Ukraine, «en fonction des actions des forces nord-coréennes».

De son côté, la Corée du Nord nie fournir à la Russie des forces fraîches pour son assaut contre l’Ukraine, un représentant de Pyongyang à l’ONU parlant de «rumeur sans fondement».

Mais, selon un porte-parole de la Maison-Blanche, «entre le début et la mi-octobre, la Corée du Nord a déplacé au moins 3000 soldats» dans l’est de la Russie, confirmant des informations initialement fournies par Séoul.

Cette photo prise le 8 février 2024 et diffusée par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS le 9 février, montre des soldats accueillant le leader nord-coréen, Kim Jong-un, lors de sa visite au ministère de la Défense nationale à Pyongyang pour y marquer le 76e anniversaire de la fondation de l’Armée populaire coréenne.
Cette photo prise le 8 février 2024 et diffusée par l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), organe officiel de la Corée du Nord, via KNS le 9 février, montre des soldats accueillant le leader nord-coréen, Kim Jong-un, lors de sa visite au ministère de la Défense nationale à Pyongyang pour y marquer le 76e anniversaire de la fondation de l’Armée populaire coréenne. Photo AFP

Washington avait toutefois dit ne pas savoir s’ils allaient combattre aux côtés de l’armée russe en Ukraine, tout en estimant qu’il s’agissait d’une «possibilité très inquiétante».

Si c’est le cas, ces soldats seront des «cibles militaires légitimes», avait prévenu le porte-parole américain.

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Les renseignements sud-coréens ont assuré la semaine dernière que la Corée du Nord avait décidé d’envoyer jusqu’à 12 000 soldats pour aider la Russie.

Ces derniers mois, Pyongyang avait déjà été accusé par les Occidentaux de fournir des quantités d’obus et de missiles à l’armée russe.

Vote unanime à Moscou

À Moscou, 397 députés de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, ont voté jeudi en faveur du «traité sur le partenariat stratégique global»entre Moscou et Pyongyang.

Le texte doit être examiné le 6 novembre par la chambre haute du Parlement, le Conseil de la Fédération, avant d’être signé, sans aucun doute, par Vladimir Poutine.

Le président russe, Vladimir Poutine, s’exprime lors du sommet des BRICS à Kazan, le 24 octobre 2024.
Le président russe, Vladimir Poutine, s’exprime lors du sommet des BRICS à Kazan, le 24 octobre 2024. Photo AFP

Appelant à la mise en place d’«un système international multipolaire», formule utilisée par Moscou pour contrer ce qu’il appelle «l’hégémonie» des États-Unis, ce traité prévoit également «des efforts en vue d’une croissance des échanges commerciaux» et de «minimiser l’impact» de sanctions économiques pouvant être introduites par des pays tiers.

Le vote de la Douma intervient le jour de la clôture à Kazan, en Russie, du sommet des BRICS, groupe de neuf pays parfois présentés comme ceux du «Sud global».

En multipliant les rencontres bilatérales, Vladimir Poutine s’est employé à y faire la démonstration de l’échec de la politique d’isolement diplomatique et de sanctions économiques visant son pays.

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