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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Si on chantait ensemble?

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Pierre-Luc Brillant, musicien, comédien et Vice-Président de l’Union des artistes

2025-06-04T09:00:00Z
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«C’est dans les chansons qu’on apprend la vie. Y’a dans les chansons beaucoup de leçons.» Ces magnifiques paroles de Jean Lapointe résonnent plus que jamais. Et si nous offrions à nos enfants la chance d’apprendre... en chantant ensemble? Et si nous instaurions des cours de chant choral obligatoires dans toutes les écoles du Québec, de la première année du primaire à la fin du secondaire?

Bien plus qu’un simple loisir, le chant choral est un outil pédagogique d’une richesse inouïe. Il cultive l’art, la langue et l’esprit, tout en tissant des liens solides entre les jeunes. Il affine la diction, enrichit le vocabulaire, aiguise la mémoire et stimule la créativité. Il aide à lire, à écrire, à compter – et surtout... à écouter l’autre.

La mémoire des peuples

À l’image des sports d’équipe, la chorale exige coordination, discipline et respect, mais sans esprit de compétition. Elle nourrit l’estime de soi par la réussite collective, plutôt que par la performance individuelle. C’est aussi une voie royale vers l’apprentissage des langues: le français, bien sûr, mais aussi les langues autochtones du Québec et celles du monde entier. Chanter en innu, en wolof, en créole ou en italien, c’est découvrir différentes cultures par l’émotion, la voix, le rythme partagé. Les chansons portent en elles la mémoire des peuples. Elles racontent leurs mythes, leur histoire, leurs rêves. Des berceuses aux hymnes, elles façonnent les identités. Le Québec ne fait pas exception.

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Or, dans un monde numérique où chacun navigue seul parmi des millions de chansons, le socle musical commun s’amenuise. Autrefois, la télévision jeunesse offrait à tous les enfants les mêmes refrains, au même moment. Aujourd’hui, cette synchronicité culturelle s’est perdue, et les jeunes grandissent avec bien peu de répertoire partagé. Imaginez la joie d’entendre de jeunes adultes de tous horizons unis par Le tour de l’île, Les gens de mon pays ou Les étoiles filantes, parce qu’ils les auraient apprises et chantées à l’école. Parce que ces chansons feraient partie de leur bagage affectif. Voilà ce que la chorale scolaire peut rebâtir: un socle culturel commun pour la nation québécoise.

Un remède simple

Cette idée a aussi l’avantage d’être concrète et réalisable. Elle s’appuierait sur les professeurs de musique déjà en poste – qu’on cantonne trop souvent à un rôle secondaire – et permettrait, année après année, de constituer un répertoire partagé. Un mélange de chansons québécoises, autochtones et internationales, avec quelques pièces imposées apprises dans toutes les écoles de notre territoire. Un levier puissant pour l’intégration, le rapprochement avec les Premiers Peuples et le dialogue intergénérationnel.

Face à l’isolement qui mine de plus en plus la cohésion sociale, le chant choral est un remède simple et humain. Il rapproche les élèves, les cultures, les âges. En organisant, par exemple, des visites dans les CHSLD et les RPA, les jeunes pourraient chanter devant les aînés et retisser ainsi le lien entre les générations.

Dans un Québec où la diversité s’élargit, où les repères se multiplient, nous avons besoin d’un langage commun. Le chant est ce langage. Il n’exclut personne. Il rassemble. Il élève. Alors oui, faisons de la chorale un pilier de nos écoles. Offrons à nos enfants le pouvoir de chanter leur territoire, leur langue, leurs racines et leur avenir. Parce que chanter ensemble, c’est se reconnaître comme membres d’un même peuple et d’une même humanité.

Photo fournie par Pierre-Luc Brillant
Photo fournie par Pierre-Luc Brillant

Pierre-Luc Brillant

musicien, comédien et vice-président de l’Union des artistes

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