Serrer la vis face aux locateurs abusifs

Elyse Lévesque, enseignante de droit au collégial et candidate pour Québec solidaire dans l’Acadie
La période des déménagements s’amorce et, avec elle, de nombreuses personnes feront face à la précarité causée par le manque de logements sociaux, les hausses de loyer, les évictions, l’insalubrité...
Le logement est un objet de spéculation immobilière et foncière, mais il est aussi et avant tout une nécessité. C’est la sécurité, l’appartenance, la stabilité dont chaque humain a besoin. User de stratagèmes pour contourner la loi en déracinant les gens de leur milieu de vie ne doit être ni accepté ni ignoré.
- Écoutez l'entrevue de Sophie Durocher avec Elyse Lévesque, enseignante de droit au collégial et candidate pour QS dans l’Acadie, sur QUB radio :
La justice doit être plus accessible
En plus d’interdire de procéder à des hausses abusives de loyer, on doit rendre la justice plus accessible. Faire valoir ses droits devant le Tribunal administratif du logement (TAL, anciennement la Régie du logement) est un processus ardu. Les démarches sont complexes pour le demandeur: introduction de la demande, notification à la partie adverse, computation des délais, représentation devant le Tribunal, etc. Le vocabulaire et les étapes judiciaires sont opaques pour les non-initiés. La jurisprudence démontre que la loi est souvent mal mobilisée par les gens se représentant seuls, qui sont majoritaires devant le TAL.
Jusqu’en 1992, la Régie du logement avait le pouvoir d’intenter elle-même des poursuites pénales pour une infraction à la loi, un peu comme un policier donne un constat d’infraction au Code de la sécurité routière quand quelqu’un fait un excès de vitesse. Cette disposition a été abrogée, mais les articles de la loi prévoyant les amendes existent encore, lesquelles sont inchangées depuis 1979. Actuellement, la seule manière de mobiliser ces dispositions devant la justice est la plainte pénale privée. Les chances qu’un particulier triomphe avec cette procédure sont minces.
Le bon côté du droit pénal, c'est qu’il permet de remettre le fardeau de la procédure à l’État et ainsi épargner les plus vulnérables des démarches stressantes et compliquées. Puisque les pénalités sont fixées d’avance par la loi, le plaignant s’évite aussi de faire la preuve des dommages moraux lors d’un procès civil, un exercice victimisant et subjectif.
Des exemples ailleurs
De nombreux autres domaines du droit québécois utilisent les dispositions pénales. Par exemple, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail peut imposer des amendes liées à la santé et à la sécurité du travail, lesquelles sont réinvesties dans un fonds d’indemnisation pour les travailleurs. L’Office de la protection du consommateur délivre des permis pour certains types de commerces, tient un registre des contrevenants et peut intenter des poursuites lorsque l’intérêt public est en jeu. L’Office québécois de la langue française a pour sa part des inspecteurs qui veillent à l’application de la loi, en plus de répertorier les contrevenants, d’envoyer des mises en demeure et de soumettre des dossiers au Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Une majorité de cas en matière de logement devront toujours être analysés isolément devant le Tribunal afin de prendre en compte les situations complexes. Toutefois, pour certains locateurs abusifs connus, récalcitrants, non collaboratifs, il faut serrer la vis et s’inspirer des autres lois québécoises. Rééquilibrer le rapport de force est urgent. Il suffirait au gouvernement d’utiliser les outils législatifs à sa disposition... et d’en avoir la volonté.