Serment au roi: les péquistes ont eu tort jadis...

Joseph Facal
J’ai été élu député pour la première fois le 12 septembre 1994, sous la bannière du Parti Québécois, dirigé alors par Jacques Parizeau.
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Nous fûmes 77 élus péquistes.
Nous étions la majorité de gouvernement. Nous serions au pouvoir. Pour quatre ans.
Agir
Nous avions une seule et unique priorité : organiser un référendum, le gagner, faire naître le pays du Québec.
Imaginez qu’à l’époque, nous avions refusé de prêter serment à la monarchie britannique.
Imaginez que le sergent d’armes nous bloque l’accès au parlement, comme on l’a fait aux trois élus péquistes la semaine dernière.
Empêcher la majorité de siéger afin de gouverner ?
Dans l’immédiat, la présidence de l’Assemblée nationale aurait sans doute évoqué la jurisprudence et statué qu’il y avait un « problème ».
Mais croyez-moi, on aurait réglé le problème rapidement.
Aurions-nous attendu dehors jusqu’à ce que la présidence plie ? Serions-nous entrés, après avoir prêté ce serment humiliant, et fait adopter à toute vitesse une loi pour l’abolir ?
Je ne sais pas, mais nous aurions pu agir vite pour régler ce problème.
Nous n’avons fait ni l’un ni l’autre.
Si le parjure est le fait de jurer le contraire de ce que vous pensez, nous nous sommes parjurés.
Nous estimions sans doute, pour autant que je me souvienne, que ce n’était qu’un détail ridicule.
Mais ce n’était pas un détail ridicule.
Je fus réélu le 30 novembre 1998.
Nous fûmes 76 élus péquistes ce soir-là. Nous étions encore la majorité.
Nous avions une autre occasion d’abolir ce symbole colonial. Nous ne l’avons pas fait.
Ce furent les deux dernières victoires électorales du PQ avec une majorité de sièges, les deux dernières fois où nous aurions pu, seuls et sans la moindre contrainte, régler rapidement cette question.
- Écoutez sa chronique avec Richard Martineau via QUB radio :
Pourquoi je reviens là-dessus ?
Les trois élus péquistes, on le sait, n’ont pu accéder à l’Assemblée nationale parce qu’ils refusent de prêter serment à la monarchie britannique.
Certains rient d’eux. C’est facile, ils ne sont que trois.
On n’aurait pas ri de nous jadis si nous avions agi.
Des voix s’élèvent qui disent aux trois péquistes : votre message a été livré, la récréation est terminée, allez travailler.
Tout cela est dit avec un petit ton agacé de surveillant de cour d’école.
Mais regardez attentivement qui dit cela.
De rares ex-élus souverainistes trouvent qu’ils devraient plier. Mais les voix qui les admonestent sont essentiellement fédéralistes.
Ce sont les voix de gens qui, fondamentalement, adhèrent à un régime canadien qui ne veut pas rompre ses liens avec la monarchie.
Régime
Le mot-clé, ici, est « régime ».
En attaquant un symbole, les élus péquistes attaquent le régime que ce symbole incarne, incarné aussi par un gouverneur général et un lieutenant-gouverneur.
Leur geste dévoile, au profit de ceux qui ne le comprenaient pas, sa nature coloniale et archaïque.
Ils posent une question de fond, ils vont au cœur de l’affaire, ils nous offrent une formidable leçon d’histoire.
Ils ont raison.
C’est nous, jadis, qui eûmes tort.