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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Serge Fiori, un géant de la chanson québécoise qui s’inquiétait pour la relève et notre culture

L'artiste m’a confié à quel point il s’inquiétait pour le recul du français et de la culture québécoise

Photo STEVENS LEBLANC
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Photo portrait de Karine Gagnon

Karine Gagnon

2025-06-26T09:00:00Z
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Comme bien des Québécois, j’ai accueilli la nouvelle du décès de Serge Fiori avec beaucoup de tristesse, d’autant plus en cette journée de la fête nationale du Québec. Parce qu’à chaque fois qu’un géant nous quitte, j’ai cette impression douloureuse que c’est comme si une partie de notre âme s’envolait avec lui.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec ce monument de la chanson québécoise dans le cadre de l’écriture du Code Labeaume, mémoires de Régis Labeaume parus en avril. Notre entretien téléphonique a eu lieu à l’automne, et il a dû reporter à deux reprises en raison d’ennuis de santé.

À l’autre bout du fil, il se trouvait à sa maison de Saint-Henri-de-Taillon, petit paradis qu’il adorait et qu’il m’avait décrit avec des étincelles dans la voix. Sa façon de parler de cette région magnifique du Saguenay–Lac-Saint-Jean, d’où je suis originaire, m’a touchée.

Tout au long de la conversation, on a beaucoup ri, et je l’ai trouvé très attachant. J’ai eu le sentiment, comme je l’ai confié à Régis Labeaume ensuite, de m’être entretenue avec un humain plus grand que nature, et pas seulement pour ses immenses talents d’artiste.

Inquiet pour la relève

Considéré à juste titre comme l’un des artistes les plus marquants de l’histoire du Québec, Fiori m’a confié à quel point il s’inquiétait pour le recul du français et de la culture québécoise. Il s’inquiétait aussi de voir que les jeunes artistes peinaient à vivre de leur art.

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C’est spécial, car c’est exactement les pensées qui me sont venues à l’annonce de sa mort, tout comme lors du décès de Karl Tremblay, chanteur des Cowboys Fringants.

Nos jeunes artistes, on les connaît de moins en moins, noyés qu’ils sont dans la déferlante numérique qui nous inonde de musique américaine dont la qualité laisse souvent à désirer.

Si bien qu’il émerge de moins en moins de géants québécois. La relève s’effrite à vitesse grand V. Et ça, c’est franchement inquiétant pour la survie de notre identité, de notre culture et de notre langue.

Lueur d’espoir

Les récents gouvernements ont trop tardé à réagir, à mettre de l’avant des mesures fortes afin de protéger et de promouvoir notre culture et nos artistes. Des mesures qui permettent aux talents d’émerger. Car le Québec en regorge toujours autant, ça n’a pas changé.

Il faut donc s’appliquer à les faire connaître davantage, et amener nos jeunes à s’y intéresser. Ça ne se fera pas tout seul, dans le contexte actuel. Il faut y réfléchir et mettre de l’avant encore plus de solutions. Il faut un plan, une vision claire.

Lors de notre entretien, Fiori m’avait aussi parlé de souveraineté. Il avait l’impression qu’il était trop tard.

J’aurais bien aimé discuter avec lui de notre sondage publié ce matin. On y apprend que les appuis à la souveraineté sont en hausse chez les jeunes, une première depuis 15 ans.

Ce serait l’un des effets Trump, selon Jean-Marc Léger, président fondateur de Léger. Le vaccum politique actuel pousse les jeunes à avoir envie d’un projet de société.

Voilà qui démontre que la jeunesse n’a pas baissé les bras et tient à son identité et sa culture francophone. Après tout, c’est ce qui fait la beauté du monde, ces différences et cette richesse culturelle qui distinguent les pays.

Je ne peux évidemment parler pour lui, mais mon petit doigt me dit que Serge Fiori aurait été fier de cette tendance et qu’il aurait probablement eu le goût d’embarquer à nouveau.

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