Semaine sombre à la DPJ, parlons sérieusement
Le mélange contrevenants et victimes dans la DPJ, une pratique à repenser...


Mario Dumont
Je ne reviendrai pas sur les problèmes discutés toute la semaine autour de la DPJ. Il y a eu des manquements graves. Le ministre s’est fait brasser. On a changé de directrice nationale de la protection de la jeunesse, espérons le meilleur pour la suite.
Je ne veux pas minimiser ces problèmes, mais je crois que nous devons élargir notre réflexion et regarder les choses en face. Ce que nous demandons à la DPJ n’est plus raisonnable. C’est extrêmement difficile de trouver le personnel nécessaire et de maintenir la motivation d’y travailler. Plusieurs de ceux qui s’y dévouent ont envoyé des CV dans d’autres services sociaux.
Je vois deux problèmes majeurs qui semblent hautement tabous. La société blâme le personnel et blâme les gestionnaires, mais n’ose jamais se poser ces questions difficiles.
Trop de cas
Première observation: l’augmentation du nombre de signalements année après année représente une aberration. Surtout avec des taux de natalité aussi bas ces dernières années, c’est une honte. Disons-le crûment: le Québec n’a jamais eu aussi peu d’enfants et nous n’arrivons pas à nous en occuper convenablement.
Au cours des deux dernières années, les DPJ des diverses régions ont reçu plus de 135 000 signalements. Il y a dix ans, ce chiffre venait de dépasser les 80 000. On aura beau dire que les gens sont plus sensibilisés et plus prompts à signaler les cas, une telle augmentation n’a aucun sens.
La Commission Laurent a mis en priorité le soutien aux parents. Il faudra certainement poser des gestes pour réduire le nombre d’interventions requises de la DPJ. Je retiens mes commentaires sur la dégradation du tissu social.
Les jeunes contrevenants
L’autre grande question est encore plus délicate. Doit-on demander à la même organisation de faire des interventions dignes de mère Teresa auprès d’enfants abandonnés ou abusés et de prendre en charge les membres mineurs de gangs de rue condamnés par la justice?
C’est un choix assez unique qu’a fait le Québec: les jeunes contrevenants, même ceux ayant commis les pires crimes, sont placés sous la direction des services sociaux, dans des centres qui relèvent de la DPJ. Dans certains cas, ils côtoient de trop près des jeunes qui n’ont rien fait de mal et qui sont en protection.
Le Québec a toujours été fier de son modèle distinct. En France, il y a des quartiers pour mineurs dans des établissements pénitentiaires pour les délinquants sérieux. Au Royaume-Uni, ils sont gardés dans les «Instituts pour jeunes contrevenants de Sa Majesté». En Ontario, les cas plus graves relèvent de la Sécurité publique, pas des services sociaux. Si personne ne nous imite, c’est peut-être parce que nous faisons une erreur.
Oui, il faut garder l’esprit de réhabilitation pour les jeunes, mais les sortir de la coupole de la DPJ pourrait aider tout le monde. La DPJ doit en prendre moins, mais en prendre soin.