Secte internationale de yoga: le gourou inculpé en France pour des violences sexuelles

Agence France Presse
Après un coup de filet en France, un gourou roumano-suédois a été inculpé vendredi à Paris pour des violences sexuelles à grande échelle au sein d'un mouvement international de yoga accusé de dérives sectaires.
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Aspect négligé et grosses lunettes, Gregorian Bivolaru, 71 ans, est le personnage central de ce «groupe aux contours de la mafia, du proxénétisme sous des atours prétendument philosophiques», selon une source proche du dossier.
Avec M. Bivolaru, très connu en Roumanie et fondateur en 1970 de la première école de yoga dans le pays alors communiste, ont été arrêtées plusieurs autres personnes suspectées d'être des «responsables importants» de cette secte, qui aurait plusieurs centaines d'adeptes en France.
Fondateur du Mouvement pour l'intégration spirituelle vers l'absolu (Misa), rebaptisé Atman lors de son expansion hors de Roumanie, il a été interpellé mardi lors d'un vaste coup de filet en France. Il a nié, lors de sa garde à vue, son rôle de chef mais a bien affirmé être «doté de dons extraordinaires» et la «victime d'un complot politique», relate une source policière à l'AFP.
Soupçonné de viols, il s'est présenté comme «un maître spirituel»: après une étape dite de la «consécration», des femmes «l'aimaient» à son domicile, selon la source policière qui rapportait ses propos.
Vendredi soir, il a été inculpé pour viols, abus de faiblesse, séquestration et traite d'êtres humains en bande organisée, a appris l'AFP de source judiciaire.
Lors d'une audience au tribunal de Paris, une juge a décidé de son placement en détention provisoire. «Je me désole de cette décision», a réagi auprès de l'AFP son avocat Anis Harabi. «Nous allons travailler sur le dossier et établir son innocence».
Tantrisme
Son groupe, derrière la pratique affichée du tantra yoga, est accusé de cacher une secte qui pratique des violences sexuelles à grande échelle, en «conditionnant les victimes à accepter des relations sexuelles via des techniques de manipulation mentale visant à supprimer toute notion de consentement», décrit la source judiciaire interrogée par l'AFP.
Le mouvement aurait incité des femmes «à accepter des relations sexuelles» avec Gregorian Bivolaru et/ou à «s'adonner à des pratiques pornographiques tarifées en France et à l'étranger», selon une source proche de l'enquête.
Parmi les personnes mises en cause figurent aussi des femmes. L'une d'elles, «qui se comportait comme une cheffe» selon la source policière, a été interpellée au sein d'un «pavillon de femmes» à Villiers-sur-Marne, au sud de Paris. Lors de sa garde à vue, elle désignait six autres «coordinatrices» d'«ashrams» en région parisienne.
Six des vingt femmes installées dans ce pavillon ont raconté aux enquêteurs être arrivées entre septembre et novembre en France pour «un stage de yoga» ou «un cours sur le féminisme». Deux ont précisé avoir été prises nues en photo à leur arrivée. Elles n'ont pas porté plainte pour l'instant.
À ce stade, les enquêteurs ont identifié 56 femmes potentiellement victimes.
Une femme se présentant comme victime a raconté à l'AFP, sous couvert d'anonymat, avoir subi «à plusieurs reprises» un trafic sexuel «de la Grande-Bretagne à Paris». «Beaucoup de gens considèrent cette organisation comme une école de yoga (...) sans savoir qu'il s'agit d'une secte dangereuse».
Le coup de filet, qui a mobilisé 175 policiers, a notamment eu lieu à Paris et sa banlieue, et dans le sud-est de la France.
Signalement dès 2022
L'enquête est née d'un signalement en juillet 2022 de l'agence française de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), après les témoignages de 12 anciens membres du Misa. Dès 2008, le Misa avait été exclu «de la Fédération internationale de yoga et de l'Alliance européenne de yoga pour ses pratiques commerciales jugées illicites», a rappelé la source judiciaire.
Le mouvement a déjà fait l'objet de procédures judiciaires en Europe.
Son fondateur, poursuivi dans son pays à plusieurs reprises, a fui et obtenu l'asile politique en Suède début 2006 ainsi qu'un nouveau nom: Magnus Aurolsson.
Condamné par défaut en Roumanie en 2013 à six ans d'emprisonnement, il disparaît quelques années avant d'être arrêté en février 2016 en France, alors qu'il était en cavale.
Remis aux autorités roumaines, il s'était évaporé à nouveau, avant d'être retrouvé mardi dans l'Hexagone.
Le Misa a publié un communiqué jeudi en roumain pour dénoncer des «accusations absurdes» contre Gregorian Bivolaru, «cible depuis les années 1990 de campagnes médiatiques de discrédit».