Scott Hall: le cool, mauvais garçon!

Patric Laprade
Hard work pays off, dreams come true. Bad times don't last, but bad guys do.
C’est finalement au bout de 63 années que s’est arrêtée la vie de celui qui fut l’une des plus importantes vedettes du monde de la lutte dans les années 1990 et 2000, Scott Hall.
Connu pour son rôle de Razor Ramon à la World Wrestling Federation (WWF) de 1992 à 1996, puis sous son vrai nom à la World Championship Wrestling (WCW) jusqu’en 2000, Hall a subi trois arrêts cardiaques samedi dernier à la suite d’une opération à une hanche. À l’hôpital depuis le 1er mars, c’est un caillot qui aurait déclenché le tout. Sous respirateur artificiel à l’hôpital Wellstar Kennestone Hospital à Marietta en Géorgie, les médecins n’attendaient que la visite de la famille pour lui retirer ce qui le tenait en vie. C’est finalement vers les 20h que la WWE a confirmé la nouvelle, en introduction de son émission phare, Raw, sur les ondes du USA Network.
À cause d’un terrible incident, sa vie, et par défaut sa carrière ont toujours eu des hauts et des bas.
En janvier 1983, Hall, âgé de 25 ans, travaille dans un bar à Orlando en Floride. Un soir, lui et un client se disputent l’attention de la même fille, lorsque le client en question sort de l’établissement, trouve la voiture de Hall et fait exploser la vitre avant. C’est alors que Hall sort pour confronter l’individu, mais au dernier instant, ce dernier sort un revolver. Hall lui saute dessus et les deux se battent pour l’obtention du pistolet en question. Hall arrive à en prendre le contrôle et en tentant de sauver sa vie, lui tire une balle dans le crâne.
Après trois jours de prison, il est accusé de meurtre au second degré. Mais le manque de preuves fait qu’il sera libéré. Toutefois, les séquelles de cet incident seront permanentes. Souffrant d’un choc post-traumatique, il aurait dû être suivi par un médecin. Mais Hall choisit plutôt un cocktail de médicaments, de stéroïdes et d’alcool.
Débuts à la AWA
Doté d’un physique avantageux, avec ses six pieds sept pouces et ses 280 livres, il décide de faire carrière dans la lutte professionnelle. Entraîné en Floride par Hiro Matsuda, le coach derrière les Hulk Hogan, Lex Luger et Ron Simmons pour n’en nommer que quelques-uns, Hall fait ses débuts en 1984 pour la Championship Wrestling from Florida sous le nom de Starship Coyote, en équipe avec Dan Spivey. Surnommés les American Starship, ils rouleront leur bosse en Floride, Caroline du Nord et Kansas. Mais le succès de l’équipe est mitigé.
C’est alors que Hall se retrouve avec l’American Wrestling Association (AWA), la troisième en importance aux États-Unis et dirigée par le vétéran Verne Gagne.
Là-bas, c’est en équipe avec Curt Hennig qu’il connaîtra le plus de succès. Ils remportent les titres par équipe en janvier 1986 face à Jimmy Garvin et Steve Regal (pas William), avant de les perdre face à « Playboy » Buddy Rose et Doug Somers en mai. C’est aussi pendant ces années qu’il commence à se faire connaître d’un plus grand auditoire puisque la AWA est présentée sur les ondes d’ESPN aux États-Unis et à TSN au Canada. Ce sont d’ailleurs mes premiers souvenirs de Hall. Un gars bâtit avec beaucoup de cheveux et une moustache bien remplie. Cependant, la AWA ne fait plus le poids face à ses compétiteurs et Hall quitte.
Les prochaines années seront des années de saltimbanques pour lui. Il retournera en Floride, passera beaucoup de temps au Japon pour New Japan Pro Wrestling, travaillera pour la WCW, ira à Porto Rico avant de revenir à la WCW, où il sera connu sous le nom de Diamond Studd.
« Hey Chico »
C’est finalement en 1992 qu’il fera ses débuts officiels avec la WWF. Dans une rencontre avec Vince McMahon et Pat Patterson, Hall suggère un personnage Cubano-Américain de Miami, fortement inspiré par le personnage d’Al Pacino dans le film Scarface. McMahon et Patterson trouvent le prénom, Tito Santana le nom de famille et c’est ainsi que naissent Razor Ramon et sa ligne préférée « Say hello to the bad guy! ».
Utilisé comme heel, avec ses cheveux au look graisseux, ses chaînes en or et son cure-dent dans la bouche, cure-dent qu’il lancera au visage de nombreux de ses antagonistes au fil de sa carrière, les amateurs le trouvent divertissant et tranquillement, aiment ce qu’ils voient en Ramon. Sa prise de finition, le Razor’s Edge, sera l’une des plus populaires de son époque.
Après une rivalité avec Tatanka, Hall perd un match face au Kid, qui propulsera la carrière de ce dernier. Celui-ci deviendra d’ailleurs le 1-2-3 Kid, à cause de sa victoire par tombé, et l’un des meilleurs amis de Hall.
C’est en septembre 1993 que Hall remporte un tournoi face à Rick Martel pour devenir champion Intercontinental, le tremplin à l’époque pour le championnat mondial de la WWF. Le titre était vacant depuis la suspension à Shawn Michaels. Au retour du Heartbreak Kid, les deux sont impliqués dans une rivalité qui lancera Hall vers des sommets jamais atteints.
Deux changements de titres au Québec
Michaels et Hall s’affrontent finalement dans un match d’échelles à WrestleMania X. Le combat devient un classique. Il est encore à ce jour considéré comme l’un des meilleurs matchs de l’histoire de cette classique et l’un de ceux dont les amateurs se souviennent le plus.
Hall perd le titre face à Jeff Jarrett, mais le regagne à Montréal le 19 mai 1995. En effet, le premier événement sous la tutelle de la promotrice Joanne Rougeau remporte un certain succès alors que Hall bat Jarrett dans un combat d’échelles au Forum pour remporter le championnat Intercontinental. Jarrett reprend la ceinture deux jours plus tard à Trois-Rivières, mais le changement de titre est quand même mentionné lors de Monday Night Raw. Contrairement à la rumeur, le tout était prévu. On voulait donner un cadeau à la nouvelle promotrice et à un territoire qui avait toujours été bon pour la WWF. Au final, Hall remportera le titre à quatre reprises.

C’est en 1996 que Hall, Shawn Michaels, Diesel (Kevin Nash), Triple H et 1-2-3 Kid (Sean Waltman) deviennent des inséparables. Surnommés la Kliq, ils s’assurent de se protéger mutuellement et pensent constamment à l’aspect affaires, l’aspect business de la lutte professionnelle, et ce, à tous les niveaux. Ils discutent des salaires, de leur positionnement sur la carte, ils voyagent ensemble, pensent constamment à leur travail et prennent beaucoup de place au sein de la compagnie. Certains les voient comme des rebelles, d’autres pour des fauteurs de troubles. Ils ne font pas l’unanimité, c’est certain.
Encore moins le 19 mai 1996, au Madison Square Garden.
Le mois précédant, Hall et Nash avaient signé avec la WCW, qui leur offrait plus d’argent et des contrats garantis. Ce soir de printemps à New York est leur dernier avec la WWF. Après la finale opposant Nash à Michaels dans une cage, Hall s’amène dans l’arène, suivi de Triple H. Les quatre (Waltman était en cure de désintoxication) se font un câlin.
Le problème?
C’est que Nash et Hunter sont des heels; Michaels et Hall des babyfaces. En 1996, c’est presque un crime de montrer cette réalité devant les amateurs, et ce, même si l’événement n’est pas télévisé. C’est d’ailleurs grâce à un spectateur qui filme le tout que les images seront rendues disponibles. Nash et Hall s’en allaient. Michaels est la grande vedette. Alors c’est Triple H qui en subira les conséquences, alors qu’il ne sera pas bien utilisé pendant un certain temps. Cet incident est aujourd’hui surnommé le « Curtain Call ».
La naissance de la nWo
Moins de deux semaines plus tard, Hall apparait à l’émission phare de la WCW, Monday Nitro. Alors qu’un match se déroule dans l’arène, Hall sort de la foule et vient l’interrompre. Il prend le micro et dit « You all know who I am, but you don't know why I'm here », faisant ainsi référence au fait que son look et son accent sont identiques à celui de Razor Ramon. Ce nom est toutefois une propriété de la WWF, donc inutilisable pour la WCW. Hall dit aussi qu’il aura une surprise pour les amateurs. Deux semaines plus tard, Nash qui vient le rejoindre.
Il faut savoir qu’à ce moment, la WWF et la WCW se livrent une guerre sans merci. Les deux émissions principales, Raw et Nitro, sont présentées les lundis soir, une contre l’autre. Deux ans auparavant, Hulk Hogan, Randy « Macho Man » Savage et plusieurs autres anciens de la WWF avaient fait le saut vers la compagnie de Ted Turner, dirigée par Eric Bischoff. On se bat donc pour les mêmes talents, les mêmes amateurs et les mêmes cotes d’écoute.
Avec l’arrivée de Hall et Nash, on joue sur le fait que la WWF vient envahir la WCW. Ce qui n’était pas le cas, mais c’est ce qu’on veut que les amateurs croient. Et ça avait l’air vrai! Tellement que Vince McMahon poursuivra la WCW.
Puis, le 7 juillet 1996, à l’événement sur télé à la carte Bash at the Beach, Hall et Nash affrontent Savage, Sting et Lex Luger. On avait laissé présager que les deux amis, qui se faisaient maintenant appeler les Outsiders, auraient un troisième partenaire. Vers la fin du combat, Hulk Hogan arrive vers l’arène. Les fans croient qu’il va venir aider Savage, Sting et Luger. Mais coup de théâtre! Il applique plutôt sa descente de la cuisse légendaire sur Savage, s’alliant avec les deux anciens de la WWF. Le trio sera maintenant connu sous le nom du New World Order, ou nWo si vous préférez.
C’est cette histoire qui fera une différence dans la guerre entre les deux organisations. Pendant près de deux ans, la WCW gagnera la bataille des cotes d’écoute chaque semaine. La nWo, qui finira par inclure beaucoup (trop) de personnes, sera vu par plusieurs comme le plus grand clan de tous les temps.
Le 27 octobre 1996, Hall et Nash remportent leur premier de six titres par équipe, en défaisant Public Enemy. Hall remportera aussi le titre des États-Unis à deux reprises et le titre de la télévision à une reprise.
Malheureusement, il est aussi impliqué dans des scénarios moins brillants.
Deux ans plus tard, à Starrcade 1998, Hall, déguisé en agent de sécurité, utilise un pistolet paralysant contre le champion Goldberg, afin de permettre à Nash de remporter le titre. Cette victoire met fin à la série victorieuse de Goldberg, le lutteur le plus populaire de la promotion. Au Nitro suivant, Nash se couche face à Hogan, qui ne l’avait poussé qu’avec son doigt, le laissant remporter la victoire dans ce qui fut surnommé le « Finger Poke of Doom ».
Ce sera le début de la fin pour la WCW.
Retour à la WWF
Le dernier match de Hall avec la WCW a lieu le 20 février 2000, soit plus d’un an avant la vente de la compagnie à la WWF. Entre temps, Hall fait quelques apparitions pour Extreme Championship Wrestling (ECW) et retourne au Japon pour une bonne partie de l’année 2001.
C’est en février 2002 qu’il revient dans le giron de la WWF, alors que Vince McMahon, dans une promo célèbre, dit qu’il veut injecter une dose mortelle de poison à la WWF, maintenant copropriété de Ric Flair dans les scénarios. En tournant sa chaise, on y voit d’inscrit le logo de la nWo.
C’est le grand retour pour Hogan, Nash et Hall.

À WrestleMania 18, en provenance de Toronto, alors que Hogan affronte The Rock, Hall lutte pour sa part face à l’autre joueur tout étoile de la WWF, « Stone Cold » Steve Austin. Le plan initial est pour Rock et Hall de remporter leur combat respectif, le second avec l’aide de Nash dans son coin. Toutefois, la veille de WresleMania, Hall fait la fête et arrive au stade des Blue Jays en lendemain de veille. Trouvant l’attitude de Hall non professionnelle, Austin demande qu’on change la fin du combat. Selon certaines sources, McMahon avait déjà décidé de faire gagner Austin, à la suite de certaines pressions de ses adjoints, dont Jim Ross.
Quoiqu’il en soit, le match comme tel ne passe pas à l’histoire, sauf la fin. Après avoir reçu la manœuvre de finition d’Austin, le Stunner, Hall bondit dans les airs comme s’il avait des ailes, avant de retomber sur son dos. Sans aucun doute, l’un, sinon le meilleur à avoir pris cette prise.
Après le match d’Hogan, Nash et Hall se tournent contre le Hulkster, puisque celui-ci avait serré la main du Rock à la fin de son match. Le lendemain, au Raw enregistré à Montréal, Hall et Nash affrontent Hogan et Rock en finale, après avoir aussi fait le segment d’ouverture, dans ce que plusieurs amateurs considéraient à l’époque comme le meilleur début de Raw qu’ils avaient vu de leur vie!
Les démons de sa vie
Sa relation houleuse avec l’alcool et certaines substances le suivront toute sa vie. D’ailleurs, dans un scénario de mauvais goût, la WCW l’avait même incorporé dans l’une de ses histoires en 1998.
En mai 2002, alors que la troupe revient d’une tournée en Europe, Hall fait partie de ce qui est maintenant connu sous le nom du « Plane ride from hell », un vol où plusieurs lutteurs, intoxiqués, ont commis des gestes et des comportements répréhensibles. Hall en fait parti. Il luttera une dernière fois avant d’être congédié.
Il termine l’année avec TNA (maintenant Impact). C’est l’organisation où il luttera le plus souvent entre 2002 et 2010. Il aura aussi plusieurs ennuis avec la justice durant cette période, principalement à cause de l’alcool ou de la drogue. La vie sur la route d’un lutteur professionnel, c’était une vie de rockstar à l’époque. Alcool, drogues, femmes. Le tout jumelé aux sévices qu’il demandait à son corps et aux médicaments nécessaires parfois pour continuer la tournée, on parle d’un cocktail explosif. Hall n’était pas toujours le plus fiable ou le plus agréable dans ces circonstances.
Après avoir été congédié de TNA, Hall, âgé de 52 ans, entre en cure de désintoxication, payée par le programme de la WWE prévu à cet effet. Cependant, c’est à ce moment que des ennuis de santé commencent à se manifester. Stimulateur cardiaque, double pneumonie, épilepsie, basse pression sanguine et une tonne de médicaments sont au menu, si bien qu’il fait une overdose à certains d’entre eux.
En 2011, un documentaire touchant présenté à ESPN met à jour ses problèmes. On y apprend entre autres qu’il ne s’était jamais vraiment remis du meurtre de 1983. Puis, deux ans plus tard, c’est l’ancien lutteur Diamond Dallas Page qui le prend sous son aile. Après sa carrière, Page avait développé des techniques d’entraînement basées sur le yoga. Il avait fait la même chose avec Jake « The Snake » Roberts.
Cela permettra à Hall de connaître quelques bonnes années et de se réunir avec ses amis de la Kliq à plusieurs reprises. Il sera introduit dans le Temple de la renommée de la WWE en 2014, puis en 2020 sous la bannière de la nWo. À WrestleMania 31, Nash, Hogan et Hall feront un face-à-face avec la D-Generation X, les deux clans les plus associés à la Kliq (la D-X avait été fondée par Triple H et Shawn Michaels; Waltman en avait aussi fait partie). Il fera également quelques présences à Raw.
Hall avait deux enfants. Une fille prénommée Cassidy Lee et un fils, Cody, qui a hérité du physique avantageux de son père et qui suivra ses traces. Après avoir été entraîné par son père, c’est surtout au Japon qu’il œuvrera, faisant même partie du Bullet Club de la New Japan. Mais sa carrière ne décollera vraiment jamais.
Un dernier hommage
La vague d’amour à l’annonce de son décès est l’une des plus fortes que j’ai vue dans les dernières années.
« Mon cœur est brisé et je suis vraiment triste. J’aime Scott de tout mon cœur et maintenant, je dois me préparer à vivre sans sa présence. Il n’était pas parfait. Mais comme il le disait toujours: la dernière personne parfaite à avoir vécu, ils l’ont cloué sur une croix! », écrivait son ami Kevin Nash dans une publication Instagram.
« Je suis dévasté. J’ai perdu un frère. Je t’aime Scott. On se revoit un jour », publiait pour sa part Paul « Triple H » Levesque sur Twitter.
En plus de ses amis proches, plusieurs personnalités du monde de la lutte ont tenu à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. En fait, Hall semble avoir été si marquant que ces hommages ne viennent pas uniquement de ses contemporains, mais aussi de lutteurs et lutteuses d’aujourd’hui, qui ont grandi en le regardant à la télévision. Sting, Tony Schiavone, Trish Stratus, Shane McMahon, Kevin Owens, Damien Priest, Kenny Omega, LuFisto et DDP font partie de ceux et celles qui ont partagé leurs pensées ou des photos avec lui. Les comptes Twitter d’AEW, NWA, NJPW et WWE ont tenu à lui rendre hommage, tout comme, bien entendu, plusieurs amateurs.
En fait, sur mes propres réseaux sociaux, qui comprennent plusieurs fans et personnalités impliquées dans le monde de la lutte de partout sur la planète, je crois que tout le monde a été marqué par sa carrière, a été touché par son décès et a pris le temps d’écrire un mot.
« C’était un bon lutteur, mais c’était plus un gars de personnage, me disait le Québécois PCO dans un entretien hier soir. Je n’étais pas toujours d’accord avec ce que la Kliq faisait en arrière-scène, mais tu ne peux pas leur enlever ce qu’ils ont fait. Scott a toujours parlé en bien de moi. Il disait que j’étais capable de bouger dans l’arène. Ça m’a fait de la peine d’apprendre la nouvelle. Il a marqué l’imaginaire de la lutte. C’était un icône de la lutte. »
Scott Hall avait rendu cool le rôle du mauvais garçon. Qui n’a jamais lancé un cure-dent dans le visage d’un de ses amis, juste pour imiter Razor Ramon? Ses expressions comme « Hey yo! », « Chico! », « Survey says : one more for the good guys! » et combien d’autres, resteront gravées à jamais dans la mémoire collective des amateurs de lutte.
Il a été l’un des personnages les plus importants alors que la lutte professionnelle connaissait des sommets de popularité jamais égalés. Il n’a peut-être jamais été champion du monde, mais il est sans aucun doute devenu une légende.