L’ex-président de la Fédération espagnole de soccer Luis Rubiales est suspendu trois ans pour un baiser forcé au Mondial
Il a décidé de porter sa cause en appel

Mylène Richard
La célébration intrusive de l’ancien président de la Fédération espagnole de soccer à la suite du sacre de ses joueuses au Mondial, en août en Australie, lui a finalement valu trois ans de suspension de la FIFA.
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Quelques jours après la finale, remportée par l’Espagne contre l’Angleterre, la Fédération internationale de football association (FIFA) avait suspendu indéfiniment Luis Rubiales pour avoir embrassé sur les lèvres et sans son consentement la joueuse étoile Jenni Hermoso, en lui tenant la tête à deux mains. L’organisme voulait se donner 90 jours pour mener une enquête; il lui en aura finalement fallu 65 pour en venir à cette conclusion.
«Coupable d’infraction à l’article 13 du Code disciplinaire de la FIFA [...], s’est vu infliger par la Commission de discipline de la FIFA une interdiction d’exercer toute activité relative au football aux niveaux national et international pour une durée de trois ans», précise dans un communiqué l’organisme qui supervise le soccer à l’international, affirmant son «engagement en faveur de la protection de l’intégrité de chaque individu ainsi que du respect des règles de bonne conduite».
L’article cité par la FIFA évoque notamment un geste «offensant», des «règles de base de la décence» et un «comportement portant atteinte à l’image du football ou de la FIFA», selon l’AFP.
Réaction rapide
Quelques heures plus tard, l’ex-patron du foot espagnol de 46 ans a annoncé qu’il ferait appel de cette décision.
«J’irai jusqu’à saisir la dernière instance pour que justice soit faite et que la vérité éclate», a écrit Rubiales sur le réseau social X (anciennement Twitter), dans une publication accompagnée d’un émoji représentant un biceps contracté en signe de force.
DECISIÓN FIFA:
— Luis Rubiales (@LuisRubiales17) October 30, 2023
Llegaré hasta la última instancia para que se haga justicia y resplandezca la verdad💪
Por muchos esfuerzos de algunos políticos, medios e instituciones, cada vez está más clara la desproporción e injusticia cometida✅
LA GENTE, MUY MAYORITARIAMENTE, LO TIENE CLARO pic.twitter.com/3z7hKMDw2R
Indignation planétaire
L’histoire avait fait le tour du monde, choquant plusieurs amateurs de soccer et même des gens qui ne s’intéressent pas à ce sport. Un baiser forcé lors de la cérémonie des médailles qui avait aussi rappelé le machisme qui a trop longtemps sévi en Espagne, assombrissant le triomphe de la Roja.
Rubiales avait mentionné à un journaliste britannique que ce n’était «rien d’autre qu’un moment de bonheur, une grande joie», ajoutant que «mes intentions étaient nobles, 100% non sexuelles, 100%, je répète 100%».
À ce moment, il avait refusé de quitter son poste, prétextant «un petit bisou consenti» et s’en prenant à un «faux féminisme». Il avait soutenu avoir obtenu l’autorisation de Hermoso.
Cette dernière avait fermement nié cette affirmation, expliquant dans un communiqué s’être «sentie vulnérable et victime d’une agression, d’un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de ma part».
Sentant la soupe chaude, Rubiales avait finalement remis sa démission le 10 septembre, dans le but, selon lui, de protéger le soccer espagnol, et il se disait victime d’une «campagne disproportionnée».

Devant la justice
Le scandale a aussi eu un écho jusqu'au tribunal, puisque Hermoso a déposé une plainte pour agression sexuelle. La justice espagnole a ainsi interdit à Rubiales de s’approcher à moins de 200 m de la présumée victime.
Un juge devra décider si des accusations formelles seront déposées contre Rubiales, qui est aussi poursuivi pour «cœrcition», car il aurait exercé une pression sur Hermoso et ses proches afin qu’elle modifie sa version des faits.
Comme c’est le cas au Canada, le Code pénal espagnol estime qu’un baiser non consenti est une agression sexuelle. Les coupables peuvent écoper d’une amende ou jusqu’à quatre ans de prison dans ce pays d’Europe.

Grève des joueuses
La Fédération espagnole de soccer a également fait face à un tollé au sein de ses membres et surtout de la part des joueuses nationales. L’instance a finalement choisi de mettre à la porte plusieurs hauts gradés, entre autres le sélectionneur de l’équipe féminine Jorge Vilda, un proche de Rubiales, dont le style dominant et intimidant était critiqué. Il aurait notamment demandé aux filles de garder leur porte de chambre d’hôtel entrouverte.
Sa remplaçante, Montse Tomé, ne l’a pas eu facile à ses débuts, puisque les joueuses ont fait la grève, exigeant des changements profonds.

Des exemples dégradants
Le quotidien The New York Times avait révélé début septembre que le sexisme, le machisme, le paternalisme et la violence verbale faisaient partie du quotidien des joueuses espagnoles depuis très longtemps.
Une ex-présidente de la Ligue espagnole féminine s’est déjà fait dire que sa place était à la maison auprès de son enfant.
Le prédécesseur de Rubiales, Ignacio Quereda, avait lancé cette phrase assassine aux joueuses: «Ce dont vous avez vraiment besoin, c’est d’un homme bon et d’un gros pénis.»
Rubiales avait d’ailleurs remis à ses protégées des tablettes électroniques plutôt qu’une bourse en argent au terme d’une compétition en disant: «Je sais ce que les femmes veulent.»

Jouer les héroïnes
Les représentantes de la Roja sont parvenues à un accord avec leur fédération et elles ont vaincu la Suisse et la Suède fin septembre. Et vendredi dernier, c’est Hermoso qui a joué les héroïnes face à l’Italie, à son retour en sélection.
«Quelle meilleure sensation que de se sentir à nouveau bien, de marquer le but de la victoire... Maintenant, je ne peux que sourire!», a déclaré la vedette de 33 ans à la télévision publique espagnole.
– Avec l’AFP