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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Savoir partir avant d’être emporté

Photo Agence QMI, JOËL LEMAY
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Photo portrait de Yasmine Abdelfadel

Yasmine Abdelfadel

2025-12-17T05:00:00Z
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La politique est une mer capricieuse. Certains chefs y naviguent longtemps, d’autres s’y brisent plus vite que prévu. Mais les plus grands ont ceci en commun : ils savent reconnaître le moment où il faut quitter le pont avant que le navire ne chavire.

Daniel Johnson l’a compris lorsque Lucien Bouchard est apparu à l’horizon, portant avec lui la tempête référendaire. Il s’est retiré pour permettre au PLQ de se repositionner.

Jacques Parizeau l’a compris en 1995, lorsqu’il a senti que son verbe ne portait plus. Il a laissé la barre à celui qui incarnait alors l’espoir de victoire.

Bernard Landry l’a compris quand l’enthousiasme s’est mué en lassitude.

Justin Trudeau, lui aussi, a fini par comprendre que gouverner sans troupes n’est qu’une illusion.

Lucides

Ils ont tous plié. Non pas par faiblesse, mais par lucidité. Parce qu’en politique, l’acharnement est rarement une vertu.

À plus forte raison lorsque les nuages s’accumulent : enquêtes, doutes, soupçons, silence lourd des militants. À plus forte raison lorsqu’un chef devient, qu’il le veuille ou non, le point de fixation de toutes les fractures. À plus forte raison lorsqu’il cesse d’incarner l’élan et devient le poids.

Pablo Rodriguez ne s’imaginait pas vivre un tel naufrage. Son arrivée à la tête du PLQ devait marquer un renouveau. Elle s’est transformée en épreuve d’endurance, en supplice lent, goutte après goutte.

Dignité

Mais Pablo Rodriguez n’est pas un novice. Il sait qu’être chef, ce n’est pas seulement gagner un vote. C’est porter une responsabilité. C’est comprendre que le pouvoir n’est jamais acquis, et que la dignité se joue souvent au moment du départ, pas de l’arrivée.

Il ne mérite ni la petite porte ni l’humiliation publique. Il mérite mieux que l’usure lente et cruelle. Partir maintenant serait un acte de courage. Pour lui, afin de défendre librement son nom. Pour les militants, qui ont cru à un renouveau. Et pour le Québec, qui s’avance vers une nouvelle bataille référendaire et qui aura besoin, plus que jamais, d’un chef fédéraliste debout, crédible et entier.

Parfois, le plus grand geste politique n’est pas de s’accrocher.

C’est de savoir partir.

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