Saviez-vous que le premier policier noir du Québec a été engagé il y a moins de 50 ans?


Frantz Voltaire
«Je fais route vers l’avenir, je fais route vers un ailleurs où le défi sera pour moi de bâtir quelque chose à partir de rien, loin de la brutalité des choses qui s’écroulent à des milliers de kilomètres d’océan.» – Neil Bissoondath
Les années haïtiennes
Édouard Anglade naît à Port-au-Prince en 1944. Son père est un petit entrepreneur en travaux publics issu d’une vieille famille de notables provinciaux, sa mère est une descendante d’un des plus grands compositeurs haïtiens du vingtième siècle, Occide Jeanty. L’année où Édouard fête ses 13 ans, son oncle Franck Sylvain, juge à la Cour de cassation, devient président provisoire d’Haïti.
Édouard, après ses études classiques et avec la montée en puissance du dictateur François Duvalier, décide d’immigrer au Québec où il rejoint sa sœur et son beau-frère, le docteur Hillel, à Montréal. N’ayant pu obtenir un visa d’étudiant, il part pour New York. Quelques mois plus tard, il obtient finalement son visa et il retourne à Montréal, où il entreprend des études en informatique tout en travaillant comme conseiller financier à la compagnie Crown Life. Son arrivée à Montréal coïncide avec celle de la première vague d’exilés haïtiens.
Des années formatrices
À Montréal, Édouard sera un organisateur d’associations culturelles et sportives. Il retrouve ainsi ses deux grandes passions, le piano et le sport. Après avoir obtenu la citoyenneté canadienne, il est admis à l’école de police. C’est la première fois qu’un Noir est admis à cette école. Le 4 janvier 1974, il entre dans les rangs de la police de Montréal et sera affecté au Poste 9.
Pendant deux ans, il travaille comme patrouilleur d’autoradio et en 1976, après des cours de préparation à la lutte antiterroriste, il travaille comme chargé de la sécurité des athlètes durant les Jeux olympiques.
En 1977, il est transféré à la section des narcotiques et devient agent double chargé d’infiltrer et de démanteler différents réseaux mafieux.
En 1983, il est assigné à la section de surveillance électronique.
Modèle pour les communautés
Édouard avait la conception d’une police proche des communautés. En effet, dès 1981, en dehors de ses relations avec les organisations communautaires haïtiennes, il rencontre les membres d’organisations comme le Negro Community Center et le Black Community Center of Quebec. Il réussit à établir des liens avec les jeunes marginalisés de ces communautés et devient un modèle pour plusieurs d’entre eux.

Pour Édouard, l’institution policière devait jouer un rôle préventif en établissant des rapports de confiance avec les communautés noires.
En 1994, il publie aux Éditions du CIDIHCA son livre Nom de Code, Mao : parcours d’un policier haïtien à Montréal, avec une préface de Jacques Duchesneau, alors directeur du Service de police.
Il rédige aussi un projet de politique de rapprochement avec les communautés noires à l’intention de la direction du Service de police.
Il reçoit deux prix du Gouverneur général pour services distingués en 1995 et 2004, ainsi qu’un certificat de reconnaissance pour conduite exemplaire du SPVM. Il sera de plus nommé citoyen d’honneur de la ville de Montréal en 1997.
Édouard Anglade constitue un modèle non seulement pour les jeunes noirs, mais pour tous les citoyens de la ville de Montréal, en portant l’idéal d’une police proche des citoyens. Il est décédé le 12 juin 2007 à Montréal. Une semaine plus tard, l’Assemblée nationale du Québec lui rend un hommage posthume.
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