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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Sauver l'Europe ou le climat?

Le Canada aurait pu jouer un rôle stratégique majeur dans la crise ukrainienne, n’eût été l’hostilité viscérale pour les pipelines.
Le Canada aurait pu jouer un rôle stratégique majeur dans la crise ukrainienne, n’eût été l’hostilité viscérale pour les pipelines. Photo courtoisie
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Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

2022-03-01T10:00:00Z
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La question plane depuis le début du conflit en Ukraine tel un éléphant dans la pièce. Finalement, lundi, le Parti conservateur du Canada a osé placer l’enjeu au cœur du débat : l’heure n’est-elle pas venue de relancer le débat sur un pipeline vers l’est du pays ?

Car si les livres d’histoire se chargeront de l’autopsie des circonstances ayant mené à cette guerre insensée en Ukraine, déjà une évidence s’impose. Le président russe avait une arme de dissuasion bien efficace pour tempérer ses adversaires européens : le pétrole et le gaz naturel. 

N’eût été cette dépendance au gaz russe, l’Europe aurait été bien plus décisive face aux agressions répétées de Vladimir Poutine en Géorgie, en Crimée, puis aujourd’hui en Ukraine. 

Surtout n’eût été l’aversion viscérale de la classe politique progressiste pour les pipelines, le Canada aurait pu offrir une alternative essentielle. Ne devra-t-il pas le faire dans l’avenir ?

  • Écoutez la rencontre Latraverse – Dumont diffusée chaque jour en direct 17 h via QUB radio :

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Mort-nés

Il faut le souligner, l’industrie pétrolière n’a qu’elle-même à blâmer pour l’hostilité du Québec à tout nouveau projet de pipeline. 

Seuls l’arrogance et l’aveuglement ont pu faire croire à Trans-Canada que c’était une bonne idée d’installer un mégaterminal à Gros-Cacouna, en pleine pouponnière des bélugas, dans le cadre de son défunt projet d’Énergie Est. 

On ne peut que s’interroger sur le manque de clairvoyance des architectes de GNL Québec qui espéraient faire passer 320 méthaniers par an en plein fjord du Saguenay et de ses aires marines protégées. 

Il est ainsi devenu bien facile pour la classe politique progressiste de démoniser les pipelines. Ça ne coûtait pas cher et ça entretenait l’illusion d’un engagement ferme pour le climat. Je dis bien illusion, car pendant tout ce temps nos GES ont augmenté, tout comme notre consommation de pétrole.

Œillères

La défense des bélugas et la vertu climatique ont cependant privé le Canada d’un aspect essentiel du débat sur le développement de sa filière énergétique. Je parle ici de l’influence stratégique. Le pouvoir de libérer l’Europe de l’épée de Damoclès russe qui la tient en quasi-otage depuis des années.

Le poids du Canada dans les efforts pour contrer les ambitions de Vladimir Poutine aurait été décuplé si le Canada avait pu offrir à l’Europe, mais aussi aux États-Unis, une alternative au gaz et au pétrole russes. Car il ne faut pas oublier que la Russie fournit 40 % des besoins en énergie fossile de l’Europe, et quelque 600 000 barils par jour aux États-Unis !

Certes, le choix est controversé. Déjà, le mouvement environnemental s’indigne de voir la guerre instrumentalisée au profit de l’industrie des combustibles fossiles.

Mais pendant combien de temps le Canada devra-t-il faire semblant qu’il ne détient pas la quatrième réserve mondiale de gaz naturel, dont la demande ne cessera d’augmenter à titre d’énergie de transition ?

Pendant combien de temps, surtout, sous prétexte d’entretenir une fausse vertu climatique, allons-nous éviter un débat éclairé sur la question ?

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