Santé mentale: la spirale de l’angoisse chez les entrepreneurs
Le fondateur de Glouton veut qu’on parle plus de cette «détresse quasi généralisée» chez les patrons de PME
Sylvie Lemieux
Sommeil perturbé, envie de tout lâcher, crises d’angoisse... En 2019, Jean-François Gagné Bérubé a passé de bien mauvais moments. Son entreprise, qu’il avait fondée deux ans plus tôt, était pourtant sur une belle lancée.
Le nombre d’abonnés à Gouton.ca, un moteur de recherche qui utilise l’intelligence artificielle pour proposer des recettes combinées au rabais des supermarchés, augmentait chaque mois. Il ne manquait pas d’idées pour ajouter de nouvelles fonctionnalités afin d’aider les consommateurs à réduire leur facture d’épicerie.
Des fonds de capital de risque étaient même prêts à investir pour soutenir la croissance de la jeune entreprise.
C’est à ce moment-là que Jean-François Gagné Bérubé a frappé un mur...
Un poids trop lourd à porter
« Je vivais mal avec l’idée d’avoir des dettes. J’ai senti une pression énorme sur mes épaules qui a fait que je n’arrivais plus à dormir la nuit. Je vivais beaucoup d’anxiété en raison du risque financier que cela représentait », raconte l’entrepreneur.
Il a alors décidé de se séparer de son associé avec qui pourtant il s’entendait bien pour faire cavalier seul – « c’était moins de responsabilités pour moi », dit-il. Une solution qui n’a pas chassé l’angoisse pour autant.
Cet informaticien devenu entrepreneur a même songé à vendre son entreprise pour redevenir un simple employé.
« J’aimais toujours ce que je faisais, surtout le développement technologique. C’était le rôle de chef d’entreprise qui était lourd à porter. Les acheteurs potentiels trouvaient toutefois mon idée bizarre, ils se sont tous désistés. »
Finalement, en proie à une forte crise d’angoisse, il fête Noël à l’urgence d’un hôpital cette année-là.
« Je croyais que je faisais un infarctus tellement j’avais mal, raconte le jeune trentenaire. Les crises d’angoisse à répétition avaient fini par causer de l’inflammation dans ma cage thoracique. Le fait d’être hypocondriaque ne m’a certainement pas aidé non plus. Au moindre symptôme physique, je deviens anxieux. Ça devient une spirale négative. »
Croître, mais pas à tout prix
Il a commencé à remonter la pente en allant chercher de l’aide psychologique. Il a aussi pris des décisions qui ont contribué à soulager son anxiété.
« J’ai choisi de payer plus cher pour des sous-traitants plutôt que d’avoir des employés, ce qui me créait trop de pression. J’ai aussi accepté que Glouton ait une croissance plus lente, mais aussi plus solide et respectueuse de mes limites et de mes valeurs. Ma santé mentale est devenue ma priorité numéro un », affirme Jean-François Gagné Bérubé.
Aujourd’hui, il s’est réconcilié avec son statut d’entrepreneur et il gère Glouton avec plus de plaisir et de performance. Heureusement, parce que son site est plus populaire que jamais en raison de la forte inflation alimentaire. En décembre dernier, ce sont quelque 170 000 personnes qui ont consulté son moteur de recherche pour trouver des recettes et les meilleurs spéciaux.
« C’est très valorisant de savoir que Glouton aide les gens à mieux consommer. On continue de développer toujours plus d’outils pour simplifier l’organisation des repas », dit celui qui participe chaque semaine au Combat des circulaires dans le cadre de l’émission À vos affaires sur la chaîne LCN.
Une réalité dont il faut parler
Même s’il va beaucoup mieux, il reste vigilant. Avant de se lancer dans un nouveau projet, il prend soin de mesurer les effets qu’ils pourraient avoir sur sa santé.
« J’ai toujours le pied au-dessus de la pédale de frein prêt à réagir au besoin, confie-t-il. À travers cette expérience marquante, j’ai appris à mieux me connaître et à reconnaître les signes quand ça ne va pas. Je suis aussi transparent avec mes collaborateurs. Je suis capable de leur parler de mon anxiété et du fait que je pourrais mettre fin à notre collaboration si les choses se mettent à aller trop vite pour moi. Les gens comprennent bien.
« Diriger une entreprise, ça peut être lourd à porter. Heureusement, on parle plus maintenant de cette détresse quasi généralisée chez les entrepreneurs. C’est important de briser le silence parce qu’on se sent bien seul autrement », conclut-il.
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