Santé mentale et pandémie: bilan

Marc Doucet, Psychologue Réseau de santé publique
Le déni est toujours la première réaction à survenir après un traumatisme, comme ici avec la pandémie. Le plus souvent c’est le déni de la gravité de la situation et aussi le déni des conséquences psychologiques. Le problème c’est qu’en abuser aggrave plutôt les choses. Blâmer les autorités est aussi un grand classique. On cherche un coupable.
On a certes beaucoup parlé de santé mentale durant la pandémie, mais pour en dire si peu et en faire encore moins. On en a surtout parlé pour savoir si on devait ou non assouplir les mesures sanitaires. Ce n’est pas la manière d’aborder la question. Ça ne devrait pas se limiter à ça.
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Ce qu’il aurait fallu faire c’est de donner plus d’information sur les problèmes de santé mentale liés à la pandémie et les moyens pour les contrer. Et ça on l’a très peu fait. L’information à cet effet a surtout été diffusées par des capsules en lignes et par téléphone. C’est nettement insuffisant. C’est une information limitée et mal diffusée qui ne rejoint pas la population.
Après plus de deux ans, il y a des gens qui présentent des symptômes, mais qui sont incapables de faire le lien avec la pandémie. Le phénomène de la hausse des conflits a aussi été mal compris. On ressort plus divisés encore. Les conflits latents sont réactivés et peuvent être poussés à leur conclusion. Avec le confinement et la distanciation on doit adopter un comportement plutôt schizo-parano, pas étonnant si on en développe aussi un peu la pensée.
Occasion unique de sensibilisation
Chacun présente des résistances différentes, mais on finit tous par être touchés, enfin surtout ceux qui respectent bien les consignes sanitaires. La pandémie est aussi une occasion unique de sensibiliser les gens à la cause de la santé mentale, de progresser sur la question, de mieux se comprendre et de démonter également la pertinence des services ainsi que la compétence des intervenants du réseau public.
La crise est aussi une expérience qui favorise l’introspection, la remise en question et l’évolution. Mais présentement avec la pénurie de psychologues et les listes d’attente qui stagnent toujours, les québécois sont littéralement abandonnés à eux même avec leurs problèmes de santé mentale. Avec le manque de ressources et l’importance des besoins, il serait préférable et plus profitable d’aborder la question de façon publique dans les médias afin de pouvoir rejoindre les gens le plus rapidement possible.
L’intervention psycho-sociale de crise manque actuellement de vison et de visibilité, de leadership et de transparence. Qui donc s’occupe de la santé mentale à la Santé publique ? L’Ordre des psychologues, quasi invisible depuis le début, a déposé un mémoire sur la question. J’espère qu’il y fait preuve d’un peu d’auto-critique.
Les médias font de leur mieux. Malheureusement moins de psychologues s’impliquent dans les médias présentement. Peut- être par crainte de harcèlement et de plaintes abusives plus fréquentes. Ou encore plus nombreux à devenir employés salariés en pratique privée ce qui pourrait réduire leur liberté de parole. La pénurie de psychologues dans le réseau public ne se règlera pas seulement avec plus d’argent. Il faudrait que les universités en diplôment tout simplement plus.
La crise est un révélateur
En attendant, on pourrait, comme l’an dernier, reprendre la grande tournée d’un appel téléphonique à tous ceux qui sont en attente de service en santé mentale dans le réseau public. Une des rares bonnes idées. C’est vraiment le minimum.
Il faudrait également mieux mesurer les fluctuations de l’humeur collective et bien signaler les moments plus difficiles comme maintenant. Ce qu’il aurait fallu faire aussi, c’est de développer un moyen de défoulement collectif organisé et sécuritaire.
Sinon dans les moments de grande tension, ça se fait de façon improvisée et anarchique et on dirait qu’il faut toujours qu’il y en ait un ou plusieurs qui commettent une bêtise avec parfois des conséquences tragiques qui font les manchettes, comme présentement à Ottawa, Québec et ailleurs.
La crise est un révélateur. Elle fait apparaitre tout plus clairement. Entre autres que le réseau de santé publique est fragile et que la santé mentale, c’est important, mais toujours négligé. Ce n’est pas encore fini. Il est encore temps de faire mieux. Les Québécois devraient pouvoir sentir qu’une réelle prise en charge s’effectue avec un plan précis et qu’il y a de véritables répondants sur qui ils peuvent compter et qui veillent sur eux.

Marc Doucet, Psychologue Réseau de santé publique