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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Sans surprise, le français dégringole

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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2022-08-19T09:00:00Z
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Partout au Canada, le français recule. De fait, la tendance est lourde depuis des décennies. La chute s’accélère néanmoins. Les données du recensement de 2021 publiées par Statistique Canada le confirment brutalement.

De 1971 à 2021, la proportion de Canadiens dont le français est la première langue officielle parlée a fondu de 27,2 % à 21,4 %. Au Québec, toutes origines confondues, elle chute à 77,5 %.

Le glissement est plus marqué dans l’Outaouais, la métropole et ses couronnes. En même temps, l’anglais gagne du terrain. Pour la première fois, plus d’un million de Québécois déclarent l’anglais comme langue première.

L’unilinguisme anglais monte aussi pendant que les francophones sont de plus en plus bilingues et qu’au Québec, 43 % des immigrants choisissant de parler une des deux langues officielles, optent pour l’anglais.

Bref, pour reprendre le titre prémonitoire du livre publié en 2011 par Charles Castonguay, expert émérite en démo-linguistique : « Le français dégringole ». (Spécialiste de la question linguistique, j’en signais la préface.)

L’alarme sonne en fait depuis 25 ans, mais jusqu’à récemment, elle se perdait dans l’indifférence de la société et des gouvernements canadiens et québécois. D’où la question qui tue : est-il trop tard pour renverser la vapeur ?

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Au Québec, la loi 96 du gouvernement caquiste suffira-t-elle à empêcher le naufrage ? La réponse est fort possiblement non. Pourquoi ?

Langue indispensable

Pour seulement freiner la chute du français, il faudrait qu’il s’impose plus clairement comme langue dominante dans l’espace public et comme langue d’usage. À l’instar de l’anglais dans le reste du pays.

Or, contrairement à l’anglais dont l’immense pouvoir d’attraction est « naturel », le français, pour devenir une langue non seulement utile, mais indispensable dans tous les domaines d’activités, nécessite un aréopage de mesures plus coercitives.

On l’oublie, mais sauf pour la minorité anglophone, l’objectif originel de la loi 101 était de faire du français la langue « normale et habituelle » au Québec. Son but n’était donc pas de préserver la majorité canadienne-française dite historique.

Au contraire, elle visait à « dé-ethniciser » la langue française pour qu’au bout d’une ou deux générations, elle s’installe aussi comme langue d’intégration d’une majorité de nouveaux Québécois.

En cela, la loi 101 visait à faire du français une véritable langue nationale.

Un Québec diversifié

La loi 101 misait ainsi sur un Québec de langue française de plus en plus diversifié et métissé. Au fil des ans, la loi 101 fut toutefois gravement affaiblie par les tribunaux sous l’inaction des gouvernements.

Le lourd pouvoir d’assimilation de l’anglais s’est donc redéployé. Dans l’espace public et privé. Y compris chez un nombre croissant de francophones qui, au Québec aussi, adoptent l’anglais comme langue d’usage.

Résultat : au Québec, la langue officielle est le français, mais même pour travailler au salaire minimum, la connaissance de l’anglais est exigée, alors qu’au Canada, on peut devenir gouverneur général sans maîtriser le français, pourtant une des deux langues officielles du pays.

Faudrait-il alors appeler à l’indépendance du Québec ? Elle est aussi probable que l’élection d’une femme comme prochain pape. Renforcer la loi 96 ?

Seulement si, tout en protégeant les droits de la communauté anglo-québécoise, le prochain gouvernement agissait sur tous les fronts pour faire du français une langue d’accueil pleinement nationale, normale et habituelle.

À moins qu’il ne soit déjà trop tard.

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