«Sans les artistes, on est dans la noirceur totale»


Sarah-Émilie Nault
Adolescent, Alexandre Da Costa rêvait de diriger un jour la grande symphonie de Tchaïkovski. C’est le 28 avril prochain qu’il présentera, au Théâtre de la Ville de Longueuil, sa symphonie préférée entre toutes avec l’Orchestre symphonique de Longueuil et le renommé chanteur allemand d’origine géorgienne, Vladimir Kornéev.
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Voilà cinq ans que le violoniste soliste Alexandre Da Costa joue un double rôle: celui de chef d’orchestre et de soliste invité lors des nombreux concerts et festivals le faisant voyager aux quatre coins du monde (il a fait plus de 2 000 concerts à travers la planète en tant qu’artiste invité).
Le 28 avril prochain, c’est son propre programme ainsi que son artiste invité – le premier invité international depuis deux ans – qu’il présentera avec Romance symphonique. Une célébration du retour des concerts symphoniques dans leur ampleur habituelle, regroupant une soixantaine de musiciens sur scène et sans restriction.
«Je me suis fait un cadeau de programmer la 5e symphonique, explique le chef d’orchestre. J’ai le luxe, la chance et l’honneur de pouvoir diriger ma symphonie préférée et d’accueillir ce chanteur fabuleux qu’est Vladimir Kornéev qui est un réfugié géorgien habitant en Allemagne et qui est une vedette en Europe. Je suis très fier de le faire découvrir ici. C’est un artiste complet, des pieds à la tête.»
S’il a choisi d’inviter le chanteur (également acteur) allemand – membre distinctif de l’Académie bavaroise des beaux-arts et plus jeune récipiendaire du département des arts de la scène – qui interprétera des pièces de son propre répertoire ainsi que des chansons dans diverses langues, c’est pour son côté artistique, mais aussi pour son côté humain.
«Il a fui la Géorgie pour aller en Allemagne, mais c’est aussi un activiste très actif sur ses réseaux sociaux, dit-il. C’est un homme extrêmement sensible à ce qui se passe en ce moment. C’est un citoyen du monde. Il faut l’écouter pour comprendre ce qui se passe en ce moment de tous les points de vue, dont le point de vue humain.»
Le chef d’orchestre – qui interprétera une pièce de sept minutes avec son fameux Stradivarius en début de spectacle – promet un concert très généreux et un concept rarement présenté à Montréal et dans les environs. Il ajoute aussi en riant que ce concert fera «dresser les cheveux sur la tête des puristes».
«Romance symphonique, c'est cinquante minutes de sentiments humains purs, explique celui qui trouve castrant le fait que les spectateurs ne puissent habituellement applaudir qu’à la fin d’un concert classique. C’est beaucoup demander à une personne qui vit des moments spéciaux, voilà pourquoi il y aura quatre mouvements – représentant quatre périodes de la vie de Tchaïkovski – et que je veux que les gens applaudissent entre ces mouvements.»
Pensées pour l’Ukraine
Parmi les musiciens sur scène se trouvera Kathia Bradigina, une violoncelliste originaire de l’Ukraine. Est-ce là une manière de porter un appui à ce pays en guerre attaqué par les Russes?
«C’est le patrimoine de l’humanité qu’on partage, explique le chef d’orchestre de 43 ans qui croit à l’art comme moteur pour changer les mentalités. Chaque fois qu’on le peut, on montre le drapeau et on présente l’hymne national ukrainien. Il faut semer le bien et dénoncer le mal et, en tant qu’artiste, être contre la violence et contre l’injustice. Lorsqu’il y a un grand rassemblement, il faut reconnaître en tant qu’être humain que quelque chose ne va pas bien. Nous aurons une pensée du début à la fin pour tous ceux qui souffrent.»
Quant au fait de programmer de la musique russe en ce moment, l’artiste explique s’être questionné à ce sujet et avoir conclu que l’artiste invité n’était pas russe, que Tchaïkovski – dont la maison d’enfance vient justement d’être détruite par les Russes – a écrit sa première symphonie en Ukraine et que les éditions de sa musique se trouvent en Occident.
«Si on allait dans cette logique, on n’aurait pas le droit de jouer des compositeurs d’ici en sachant tout ce qui s’est passé chez nous, dans les pensionnats autochtones, poursuit l’artiste qui prépare une tournée mondiale dans les plus grandes salles de la Colombie et du Brésil. L’art est essentiel! Ce qui va rester est ce qui a été fait qui est intemporel. L’art est la seule chose qui traverse les siècles sans vieillir.»
Le concert Romance symphonique sera présenté le 28 avril à la salle Pratt & Whitney Canada à Longueuil. Billets: https://osdl.ca/concert/romance-symphonique/