Sans investissements majeurs, le Québec pourrait devenir encore plus dépendant de l’IA étrangère

Marie-Laurence Delainey
Le Québec risque de perdre sa place de choix en intelligence artificielle (IA) faute d’investissements, alertent les acteurs de l’industrie qui craignent que ce retard rende la province encore plus dépendante des géants américains.
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«[Les autres pays] misent très gros et ici, on le fait un petit peu, mais on pourrait le faire plus», soutient l’expert en IA Jean-François Gagné, qui fait référence aux investissements massifs de la France et des États-Unis. La semaine dernière, Emmanuel Macron a annoncé 109 milliards d’euros pour développer l’IA et Donald Trump a promis 500 milliards $ US le mois dernier.
Prendre le contrôle
«L’hypothèse que ces pays font, ça va leur permettre de prendre le contrôle de plusieurs autres technologies, de pouvoir développer des meilleurs matériaux, de pouvoir avoir une plus grande productivité», ajoute-t-il.
Si les experts consultés ne s’attendent évidemment pas à des sommes aussi colossales, ils aimeraient des investissements significatifs pour permettre au Québec de créer ses propres infrastructures et modèles de langage en IA.
Il y a quelques années, la province était cheffe de file dans le domaine, mais des pays comme la France, l’ont rattrapée, selon la directrice en IA du Conseil de l’innovation du Québec, Anne Nguyen. «Avec ces investissements-là, tu es capable de créer des modèles commercialisables. Les talents qu’on a devraient être là [...] pour qu’on ait notre propre propriété intellectuelle», dit-elle.
Un robot québécois?
Plusieurs suggèrent que la province développe son propre robot conversationnel comme ChatGPT. L’arrivée récente du robot chinois DeepSeek et son bannissement dans certains pays rappellent l’importance de créer un modèle québécois «à notre image». «Qu’on puisse avoir des outils qui nous représentent, parce que sinon, on va dépendre des préférences et des outils des autres», dit M. Gagné.
Des investissements permettraient aussi d’éduquer davantage. Anne Nguyen elle-même a été surprise de constater concrètement ce que l’IA est en mesure de faire. Lors d’une conférence sur le sujet, elle a remarqué que sa photo professionnelle habituelle avait été transformée pour la présentation. «Tout d’un coup, je me retourne, et je réalise que sur la photo, je porte du bleu, ce que je ne porte jamais, j’ai les cheveux, la peau, un peu plus parfaits [...] Ça m’a fait réfléchir, car malgré que c’était bienveillant, je me suis mise dans la peau de personnes qui se font avec l’IA, prendre leur voix, prendre leur image», explique-t-elle.
Selon le ministère de l’Économie, plus de 750 millions $ ont été investis en IA depuis 2016. «Le focus n’a pas été sur l’intelligence artificielle, ça a été sur la filière batterie. C’est ça qui est triste car on avait un avantage», déplore le député libéral Frédéric Beauchemin.
La ministre Christine Fréchette n’a pas souhaité nous accorder d’entrevue sur le sujet. «J’ai pas eu connaissance qu’il y avait des annonces qui étaient prévues dans ce domaine-là, mais on est très à l’affût de ce qui se passe», a-t-elle brièvement répondu lors d’une mêlée de presse, la semaine dernière.