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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Salut, Grok, veux-tu te déshabiller pour moi?

Film «Her», de Spike Jonze
Film «Her», de Spike Jonze Capture d'écran Warner Bros
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2025-07-17T04:00:00Z
2025-07-17T04:15:00Z
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Le cinéma sait souvent deviner de quoi demain sera fait. On a ainsi pu deviner que notre monde partait en vrille en 2013 en regardant le film Her, de Spike Jonze, avec Joaquin Phoenix. 

On y voyait un brave homme un peu perdu tomber amoureux d’un logiciel d’intelligence artificielle à la voix féminine. Notre présent, qui était alors notre avenir, s’y laissait deviner.

Le personnage principal en venait à préférer la relation avec une IA, qui se modèle parfaitement sur ses aspirations, ce qui est une autre façon d’aimer son reflet, à une relation avec un humain.

Ce qui confirmait surtout son incapacité à entrer en relation avec une autre personne, un humain en chair et en os de l’autre sexe, pour cela à jamais incompréhensible, et pour cela, aussi, source de surprise, de mystère, de fascination, d’agacement, de colère, de désir, et surtout, faut-il le dire, d’amour.

Virtualisation

Si je vous parle de cela aujourd’hui, c’est que nous y sommes presque.

Nous y sommes presque, déjà, quand on sait qu’une partie importante de nos contemporains préfère la pornographie à une relation physique avec une autre personne. L’imaginaire érotique du monde occidental a été ravagé, et plus encore celui de la jeunesse, qui a appris à désirer sous le signe de l’abject, sans la moindre tendresse.

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Le porno, qui n’a plus rien à voir avec Bleu nuit, fabrique des monstres et excite le sadisme.

Nous y sommes encore plus quand on apprend que Grok 4, l’intelligence artificielle de X, pourra désormais entretenir, pour peu qu’on s’y abonne à un bon tarif, une conversation sexualisée, et pourra même se déshabiller presque complètement pour l’abonné en question. Presque complètement, car l’image demeurera en nuisette.

Voyons-y une forme de pudeur au temps de l’IA. Je ne doute pas que demain, ou après-demain, elle ira jusqu’au bout, et encore plus loin.

L’époque est là.

Un homme en vient à préférer parler à son IA plutôt qu’à ses amis, comme hier il préférait passer du temps sur les réseaux sociaux plutôt qu’avec de vraies personnes. Est-il même capable d’amitié aujourd’hui?

De même, il préfère désormais créer de «l’intimité» avec cette IA plutôt qu’avec sa femme ou sa compagne. Et quand il est pris de désir, il demandera à l’IA de se foutre à poil, et la créature animée s’exécutera presque complètement.

Aliénation

Cette histoire de «compagnons IA» est tout simplement atroce.

Comment ne pas parler d’aliénation technologique et même d’esclavage technologique?

On me pardonnera un petit détour anthropologique à l’ancienne, mais l’être humain n’est pas pur esprit. Il est fait de chair, de sang, et le corps est porteur, à sa manière, d’une vérité irréductible. Ceux qui s’imaginent que notre personnalité n’a rien à voir avec notre enveloppe charnelle et notre corps sexué vivent dans un monde parallèle.

Nous entrons dans un monde intégralement virtualisé, sans âme et sans vie, sans vrai désir, sans vraie chaleur, sans amour non plus.

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