Salaire impayé dans une garderie de Lévis: les éducatrices refusent d’ouvrir pour protester contre leur patron
Le propriétaire d’une garderie de Lévis ne leur a pas versé de salaire depuis des semaines


Vincent Desbiens
Les éducatrices d’une garderie subventionnée de Lévis ont décidé de ne pas ouvrir l’établissement aux enfants jeudi matin puisque leur employeur enchaîne les frasques en lien avec leur rémunération.
Les parents qui devaient emmener leurs enfants à la Garderie Les Petits Seigneurs, située dans le secteur Pintendre, à Lévis, se sont cogné le nez sur la porte.
«On parle de semaines de salaire impayé et d’une rétroaction à laquelle on a droit qui ne nous a pas été versée. C’est pourquoi ce matin on a décidé de ne pas ouvrir. On a donné un papier aux parents avec les coordonnées du propriétaire pour qu’il s’explique», soutient une employée de la garderie qui a requis l’anonymat par crainte de représailles.
Pour éviter de se retrouver en situation de grève illégale, elles sont finalement entrées au travail pour effectuer des tâches de nettoyage.
En entrevue avec Le Journal, plusieurs éducatrices affirment avoir observé une problématique liée à la paie et à la gestion ces dernières semaines.
Leur employeur, l’homme d’affaires montréalais Ying Yuan Tan, devrait plus de 6000$ à certaines d’entre elles.
Parents solidaires
Même si la fermeture du milieu de garde a causé des maux de tête aux parents, la très vaste majorité d’entre eux respecte la décision des éducatrices et les appuie dans leurs revendications.
«Ce sont des personnes extrêmement compétentes et qui ont à cœur leur garderie. C’est absolument inhumain ce qu’elles vivent», fait valoir Daniel James, père de Henri, 4 ans, et Eliott, 1 an, deux jeunes garçons qui fréquentent Les Petits Seigneurs.
«Les éducatrices vont-elles être payées? Nos enfants vont-ils avoir à manger demain? Sinon, je garde mon paiement de garderie bloqué [...]», menace Marie-Ève Cantin, une mère appuyée par d’autres, sur la page Facebook de la garderie subventionnée.

Nourriture impayée
En l’absence presque systématique de leur patron, les éducatrices doivent effectuer des tâches de gestionnaires. L’une d’entre elles a d’ailleurs été visée par une lettre d'huissier envoyée par l’entreprise alimentaire Traiteur de la Capitale, qui dessert plusieurs CPE et garderies de la région de Québec.
«On me nommait comme directrice et on nous réclamait des milliers de dollars en factures impayées pour la nourriture. On nous a aussi informés qu’il n’y aurait plus de livraison jusqu’au paiement», raconte-t-elle.
Contactée par Le Journal, la propriétaire du traiteur, Marie-Ève Bisson, a confirmé ces informations. Elle a depuis été payée par la garderie.
Prises au dépourvu avec des dizaines d’enfants sur les bras et sans nourriture vendredi dernier, les employées ont décidé en urgence de commander de la pizza pour tous. Elles comptaient payer avec la carte de crédit de l’entreprise.
«Le paiement de 400$ ne passait pas, poursuit l'éducatrice. Il a fallu piger dans la cagnotte amassée par le comité de parents pour l’organisation d’activités. C’est inacceptable.»
Plaintes répétées
Autant les éducatrices que les parents confirment avoir signalé des plaintes au ministère de la Famille depuis le changement de propriétaire en avril dernier.
«Dès le départ, la communication était extrêmement difficile avec M. Tim [Ying Yuan Tan], déplore Daniel James, qui faisait partie du comité de parents. On est conscient des problèmes, mais qu’est-ce qu’on peut faire? Ça ne nous met pas en confiance, mais on a une garderie et les enfants sont bien traités, donc on laisse la chance au coureur en espérant que le gouvernement réagisse.»
Informé de la situation, le ministère de la Famille souligne que «si les faits rapportés se confirment, ils sont inacceptables».
Il ajoute avoir «déjà amorcé les vérifications nécessaires concernant cette garderie privée subventionnée» et conclut qu’il mettra tout en œuvre pour intervenir rapidement.
Pour sa part, le propriétaire de la Garderie Les Petits Seigneurs n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.
Dans un courriel laconique à l’intention des parents, il s’est contenté d’affirmer que la garderie est fermée «en raison d’un problème avec la banque» et que les opérations reprendraient vendredi.
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