Sainte-Élisabeth: le maire, le conseil et les citoyens à couteaux tirés


Vincent Desbiens
La proximité avec le citoyen est un atout majeur de la politique municipale. Elle peut aussi devenir un puissant vecteur de polarisation quand la situation dérape dans une municipalité.
L’impression d’un manque d’écoute et de transparence aura eu raison de la relation entre le maire Louis Bérard, des membres du conseil municipal et les citoyens de Sainte-Élisabeth, dans Lanaudière, où la ville a même été mise sous tutelle.
«Quand dans une petite ville comme ici, on se retrouve avec des dizaines de citoyens aux assemblées du conseil municipal, c’est que ça va mal, fait valoir le conseiller François Lafarge, qui, avec deux autres collègues, fait figure d’opposition au maire Bérard. Avant que ça ne dégénère complètement, on était content d’en voir deux.»

La tension était telle, avant et pendant une séance extraordinaire du conseil municipal tenue le 3 juin, que le maire a par la suite décrété l’état d’urgence. Son arrêté sur le sujet cite «un climat de peur et d’instabilité» mettant en péril la municipalité de 1400 habitants, «la continuité de ses services essentiels, ainsi que la sécurité physique et psychologique de son personnel».
Le ministère de la Sécurité publique juge toutefois que cette déclaration «n’est pas conforme à la loi». «La loi sur laquelle la demande s’appuie a été abrogée en 2024. Il n’a donc aucune légitimité pour s’octroyer ces pouvoirs d’urgence», constate M. Lafarge, qui a signalé cette irrégularité au conseil et au gouvernement après l’annonce officielle, le 14 juin.

Même si les citoyens «ont leur part du blâme», le maire Bérard est, selon ses nombreux opposants, l’auteur de ses propres malheurs, puisque certaines décisions «impopulaires et unilatérales» et son refus de les expliquer ont allumé la mèche depuis son entrée en poste.
«C’est un manque de transparence total. On fait des projets, mais ils ne sont pas prévus au budget. On nous dit qu’il y a de l’argent en surplus, mais on est incapable de nous présenter les états financiers des deux dernières années. Quand on pose des questions, on n’a jamais de réponse», déplore David Frappier, un résident qui s’intéresse de près à cette saga.
Appelée à intervenir, la Commission municipale du Québec a mené un audit à Sainte-Élisabeth et a expliqué dans un rapport publié en novembre 2024 que «le suivi budgétaire et la reddition de comptes ne permettent pas de soutenir pleinement une prise de décision éclairée», au point d’en compromettre la rigueur financière.
François Lafarge et son homologue Pierre Savignac «espèrent que la ville sera mise sous tutelle», ce qui a finalement été fait le 25 juin dernier.
Malgré plusieurs tentatives, le maire Louis Bérard n’a pas répondu aux questions du Journal.