« J’ai été très affectée par la pandémie... j'avais peur» : la romancière Jodi Picoult écrit son roman pour s'adapter au virus


Marie-France Bornais
Inspirée par les récits de voyageurs s’adaptant aux circonstances inattendues provoquées par la pandémie, la fermeture des frontières et par des expériences étonnantes vécues par les malades soignés dans les hôpitaux, l’écrivaine américaine Jodi Picoult propose cette année J’aimerais tant que tu sois là. Son roman, magnifique, créatif, souligne l’importance du moment présent, célèbre la résilience et l’adaptation, et invite à l’introspection.
Diana, jeune spécialiste adjointe chez Sotheby’s, prévoit que sa carrière va grimper en flèche grâce à la vente d’un tableau de Toulouse-Lautrec. Elle est certaine que son petit ami, interne en chirurgie, va lui faire la « grande demande » lors de leur prochain séjour aux îles Galapagos. Tout ira bien.
Puis... un virus inquiétant fait son apparition. La veille du départ, Finn est réquisitionné à l’hôpital – comme tout le personnel. Il lui recommande de partir quand même.
Diana voit sa vie partir en vrille lorsque l’île est confinée et sous couvre-feu. La pandémie commence et elle devra sortir de sa zone de confort. Au contact des insulaires, elle sera forcée de réfléchir à ses choix, à ses relations... et à elle-même.
Jodi Picoult, grande écrivaine américaine à la renommée internationale, a écrit ce roman presque d’une traite.
« J’ai été très affectée par la pandémie. Je fais de l’asthme, donc j’avais très peur d’attraper le virus. J’habite dans une région rurale et quand le vaccin a été disponible, c’était très difficile de l’avoir », explique-t-elle en entrevue.
« Je n’avais pas de contrôle sur ma vie. Toutes les choses sur lesquelles je comptais, comme mes conférences, mes tournées, tout ce qui me servait à mesurer le temps, en fait, avait disparu d’un coup. »
« Je devais faire mes débuts sur Broadway dans une nouvelle comédie musicale sur laquelle je travaillais depuis huit ans. Et ça ne s’est pas fait parce que tout Broadway a fermé. Tout à coup, mes rêves partaient en fumée. »
Reprendre le contrôle
« Comme je n’avais pas de contrôle sur ma vie, j’ai décidé que j’allais avoir le contrôle sur celle de mes personnages. J’avais entendu parler d’un touriste japonais qui avait été coincé au Machu Picchu, au Pérou : il était arrivé juste avant la pandémie et les frontières ont ensuite été fermées. »
« Au lieu de tenter de retourner chez lui, il est resté dans la communauté pendant cinq mois. Il s’est intégré, enseignait les arts martiaux aux enfants. Finalement, les membres de la communauté ont demandé au gouvernement de lui donner accès au Machu Picchu, pour qu’il puisse finalement le voir. »

Cette histoire l’a fait réfléchir.
« J’ai trouvé que l’idée d’être dans une destination de rêve alors que tout le monde s’écroule ailleurs était très intéressante. Et j’ai décidé d’écrire ce genre d’histoire. »
Comment choisir une destination de rêve, puisqu’il lui était impossible de voyager ?
« Je me suis souvenue que j’avais emmené mes enfants, quand ils étaient beaucoup plus jeunes, aux îles Galapagos. J’ai regardé nos vieux albums de photos. Quand j’ai commencé à y penser, j’ai eu un flash : adaptation ! Survie des espèces. Évolution. Darwin ! C’est parfait ! »
Ce qu’elle a appris
Jodi Picoult considère qu’elle a appris une chose très importante pendant la pandémie.
« Quand l’univers vous force à vous arrêter, vous devez vous demander pourquoi vous avez couru aussi vite. Et vers quoi. »
« J’avais tellement de buts à atteindre que je ne portais plus attention à ce que j’avais autour de moi : ma maison, ma famille et des choses qu’on n’avait jamais remises en question, comme le fait d’être auprès des êtres chers quand ils sont malades. Pouvoir visiter votre mère dans une maison de retraite. »
« Toutes ces choses nous ont été enlevées. Je pense que la pandémie m’a appris à accorder de la valeur à ce que j’ai devant moi, quand je l’ai devant moi. »
- Jodi Picoult est née en 1966 à Long Island dans l’État de New York.
- Elle a étudié la littérature à Princeton et les sciences de l’éducation à Harvard avant de se consacrer à temps plein à l’écriture, dès 1990.
- Son œuvre est traduite en 37 langues et compte 25 romans, vendus à plus de 23 millions d’exemplaires à travers le monde.
- On lui doit La tristesse des éléphants, Mille petits riens, Une étincelle de vie, Le Livre des deux chemins.
EXTRAIT
« Il n’y a qu’une seule route pour sortir de la bourgade et elle serpente entre les cactus, les buissons hirsutes et quelques étangs saumâtres. Une bande de flamants roses marchent sur l’eau, les boucles de leurs cous forment des messages secrets tandis qu’ils immergent leur tête pour pêcher des crevettes. À certains endroits, la route bordée de pierres noires se rétrécit. À d’autres, elle est jonchée de feuilles mortes. Un camaïeu de vert, de rouge et d’orangé habille le paysage. J’ai l’impression d’avancer dans un tableau de Gauguin. Et tout le long du chemin, mon téléphone n’a qu’une barre de réseau. »