Sacrer, oui! Mais pas de mot en «n»!

Guy Fournier
À Radio-Canada, on peut parler de cul, sacrer, baiser, sodomiser, mais on ne peut pas prononcer le « mot en n ».
Ce n’est pas à ces peccadilles que s’attardent les grands patrons du diffuseur public. Ils ont des chats beaucoup plus importants à fouetter.
Les mecs pourront donc continuer en paix à boire comme des ivrognes et à faire des « jokes » de mononcle, ils ne sont pas concernés par les nouvelles directives de Radio-Canada dont parlait, hier, dans sa chronique, ma collègue Sophie Durocher. Les actrices de la clinique Sans rendez-vous pourront discuter librement de diversité sexuelle et de pratiques inusitées, essayer toutes les positions du Kamasutra sans être importunées. Enfin, rien n’empêchera les filles de Trop et les femmes d’autres séries de sacrer comme des gars de chantier. À Radio-Canada, c’est la LIBAAARTÉ !
Sauf qu’il y a de l’autocensure. C’est beaucoup plus insidieux. L’autocensure ira même en s’accentuant, car la CBC, qui est balayée par les vents wokistes soufflant des États-Unis, est de plus en plus frileuse.
Comme on l’a constaté par l’affaire Wendy Mesley, cette animatrice vedette congédiée pour avoir prononcé le « mot en n » dans une réunion de travail.
À Toronto, il faut désormais prendre garde à ce qu’on dit à l’intérieur comme à l’extérieur des murs de la rue Front.
Même s’il y a beaucoup de résistance au sein du réseau français, les mesures qu’on établit à Toronto finissent toujours par être installées à Montréal.
SI C’EST BON POUR TORONTO...
Comme le « mot en n », des dizaines d’autres mots, de livres, de films et d’œuvres risquent de faire l’objet de mesures internes et de directives sévères de Radio-Canada auxquelles devra se soumettre le personnel. À l’intérieur des bureaux et des studios, comme à l’écran. L’autocensure, surtout lorsqu’elle est pratiquée par un organisme de diffusion comme Radio-Canada, se doit d’être discrète pour ne pas éveiller l’attention des autres médias.
La direction du réseau français garde la censure d’autant plus discrète qu’elle a très mal digéré la réaction de ses vedettes de l’information.
On se rappelle qu’elles se sont opposées à la décision du CRTC qui demandait à Radio-Canada de s’excuser publiquement auprès de Ricardo Lamour. Celui-ci aurait éprouvé une souffrance très vive en entendant le titre du livre de Pierre Vallières à l’émission de radio 15-18 d’Annie Desrochers !
AH ! LES PRIVILÈGES BLANCS
La liste des personnes et des minorités sensibles aptes à éprouver une vive souffrance comme Lamour ne cesse de s’allonger.
Il n’y a pas si longtemps, il suffisait pour le premier ministre Justin Trudeau d’ajouter les lettres LGBTQ à son discours pour couvrir l’ensemble des opprimés.
Aujourd’hui, ces quelques lettres sont trop réductrices. Il faut aussi inclure les bispirituels, les transgenres, les intersexes, les asexués, les queers, ceux qui sont en questionnement, sans compter les innombrables victimes de l’impérialisme blanc.
En fait, seuls les Blancs comme moi, bourrés de privilèges, ne sont victimes de rien ni de personne.
Son personnel étant débordé, Radio-Canada a fait une mise en garde : toutes les émissions de radio diffusées depuis le 2 novembre 1936 et toutes les émissions de télévision diffusées depuis le 6 septembre 1952 ne pourront être expurgées du « mot en n ». Le mot jouira donc, pour ainsi dire, d’un droit acquis ! Radio-Canada fera néanmoins précéder toute vieille émission d’une notice spécifiant qu’elle contient un mot qui pourrait heurter certaines oreilles, dont celles si sensibles de Ricardo Lamour.