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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

SAAQ: une commission d’enquête publique est devenue incontournable

Photo d’archives, JOËL LEMAY
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Jean Baillargeon, Analyste et expert-conseil en communication stratégique

2025-02-27T17:55:01Z
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Le scandale des dépassements de coûts à la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) et son système numérique SAAQclic, révélé par la vérificatrice générale du Québec, représente une tache qui affectera la crédibilité morale de l’État québécois quant à son efficacité à bien gérer et à livrer des services publics.

En niant toute responsabilité, le gouvernement du Québec donne des munitionsa à ceux et celles qui réclament à tort ou à raison un ménage dans notre bureaucratie tout en renforçant les préjugés envers nos fonctionnaires.

Si rien n’est fait pour corriger cette situation indécente, ne nous surprenons pas de la montée en popularité dans un proche avenir d’un futur «Elon Musk québécois» se donnant comme mission de faire «le grand ménage dans la fonction publique» devenue synonyme de gaspillage de fonds publics. Afin de sauvegarder la notoriété de l’État québécois et la réputation de nos fonctionnaires, une commission d’enquête publique est devenue incontournable.

Les leçons des Commissions d’enquête Gomery et Charbonneau

Les Commissions d’enquête Gomery et Charbonneau nous révèlent comment créer au sein de l’appareil public une omerta d’invisibilité administrative et politique où personne n’est officiellement responsable de rien. Est-ce le même système qui s’est reproduit à la SAAQ?

Le cauchemar des dépassements de coûts de plusieurs centaines de millions du système informatique de la SAAQ nous ramène à s’y méprendre au scandale des commandites au niveau fédéral, qui aurait permis à un seul fonctionnaire (?) de détourner plus de 150 M$ sans que personne au niveau administratif et politique n’en soit tenu responsable. Comment est-ce possible? En mettant en place un système de complicité que je qualifie d’amnésie administrative et politique, où tout le monde a intérêt à détourner le regard et à se protéger au cas où un scandale éclaterait, puisqu’il s’agissait à l’époque d’une «mission politique prioritaire».

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En effet, il fallait combattre à n’importe quel prix les «séparatistes» du Québec compte tenu du résultat serré lors du référendum sur la souveraineté du Québec en 1995. Comble d’incompétence, la Commission d’enquête Gomery nous révéla que les firmes de communication engagées pour promouvoir la marque et le logo du Canada avaient elles-mêmes détourné l’argent du fédéral et que les campagnes d’information prévues étaient bidon.

Dans le cas de la corruption dans le domaine de la construction, la Commission Charbonneau nous a permis de démasquer la corruption à grande échelle de firmes d’ingénieurs-conseils et d’entreprises de construction qui contournaient les règles de financement des partis politiques municipaux et provinciaux au Québec afin d’obtenir des contrats à partir d’appels d’offres truquées. Deux des principales villes québécoises, Montréal et Laval, furent prises la main dans le sac, alors qu’une omerta existait depuis des années pour camoufler non seulement un système de gaspillage de fonds publics et de collusion, mais aussi et surtout l’absence d’imputabilité de nos dirigeants politiques, qui préféraient l’aveuglement volontaire tout en niant toute responsabilité. L’invisibilité politique et administrative quant à l’imputabilité avait permis de mettre en place un dispositif de corruption et de collusion à grande échelle.

Une pilule dure à avaler dans un contexte de déficit budgétaire

Le scénario de la SAAQ ressemblera-t-il à un copier-coller de ces deux scandales, où le déni semblait au départ la seule réaction possible afin de gagner du temps? Y a-t-il eu un système de collusion et de corruption mis en place avec la complicité de décideurs administratifs ou politiques?

Seule une commission d’enquête publique nous permettra de faire la lumière et de tirer les leçons afin d’éviter que cette situation ne se reproduise dans l’avenir malgré les erreurs du passé. Une pilule dure à avaler, surtout dans un contexte de déficit et d’incertitude budgétaires, où règne un chaos politique planétaire.

Photo fournie par JEAN BAILLARGEON
Photo fournie par JEAN BAILLARGEON

Jean Baillargeon

Analyste et expert-conseil en communication stratégique

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