Roman d’ici: «L’iris de Boisjoli», un roman de Nathalie Babin-Gagnon sur l’amour et le deuil

Josée Boileau
Que reste-t-il des étés d’adolescence passés dans une forêt d’Abitibi? Beaucoup d’innocence, des mésaventures, et puis des drames. Violaine, adulte, se souvient.
Avec son nouveau roman, L’iris de Boisjoli, Nathalie Babin-Gagnon persiste dans une veine qu’elle sait bien exploiter: des souvenirs durs qui se cachent dans un environnement chaleureux et familier.

L’autrice met en scène Violaine, douze ans, qui vit avec sa famille à Val-d’Or. Mais l’été, tout le monde se transporte dans un ancien camp de bûcherons perdu dans un bois jouxtant le village de Boisjoli. La parenté s’ajoute, rejouant un scénario immuable.
Mais l’été 1981 marque un changement. Un nouveau voisin de Val-d’Or se joint au groupe: il s’appelle Gabriel, il a 16 ans. Il parle peu, mais bouge beaucoup... et bien. Violaine est conquise, s’imagine son amoureuse. Alors qu’il la regarde à peine, le moindre de ses soupirs alimente la romance que la jeune fille se raconte.
À coups d’anecdotes, Babin-Gagnon va donc décortiquer les sentiments d’une adolescente qui d’un côté découvre l’amour et, de l’autre, constate peu à peu que sa personnalité la distingue de sa famille. Une amatrice de lectures au sein d’une famille férue de plein air, ça entraîne quelques frustrations!
Tout cela est a priori léger, amusant. On note des redites, mais on apprécie le talent qu’a l’autrice pour raconter l’époque: la mort de Joe Dassin, les Grands films à la télé le jeudi, l’importance des Chevaliers de Colomb en région, la brochure-conseil de Janette Bertrand pour appréhender les premières menstruations, la place de l’Église catholique encore présente, mais qui peu à peu s’effaçait... Le Québec de ces années-là reprend vie!
Allers-retours dans le temps
Mais derrière ce quotidien d’une petite Québécoise semblable à tant d’autres, le drame couve. L’autrice installe un climat qui y mène, et les allers-retours dans le temps, quand on croise la Violaine de 2020 ou celle de 2006, de 2009, ajoutent au malaise ressenti.
C’est qu’un souvenir reste bloqué en elle parce que plus ravageur que les autres. Pire que l’invité aux mains longues, dont la candide Violaine ne s’est pas méfiée; pire que des ours gourmands; pire encore qu’un funeste accident ou qu’un incendie. Gabriel est mort, tragiquement.
Violaine croyait bien avoir tourné la page sur ce deuil vécu en silence, son entourage n’ayant jamais mesuré la profondeur de ses sentiments pour le garçon. Et puis, elle avait rapidement quitté Val-d’Or ensuite.
Mais des décennies plus tard, il a suffi que son frère lui raconte avoir fait un tour à Boisjoli pour que tout revienne à la surface, intact. Sa vie d’adulte est pourtant complètement différente de sa jeunesse; même son amoureux n’a rien à voir avec celui qui la faisait rêver. D’où ses interrogations: «Pourquoi Gabriel a-t-il été si important? Pourquoi a-t-il pris cette place dans son parcours?»
À remonter le fil, Violaine trouvera un sens à cette quête. Et ce roman bienveillant en témoigne: les tourments de l’adolescence contribuent à nous grandir.
L’iris de Boisjoli
Nathalie Babin-Gagnon
Saint-Jean Éditeur
392 pages
2025