Roman-choc sur les relations toxiques


Marie-France Bornais
L’amour toxique, un sujet bien ancré dans notre époque, est rarement abordé en littérature jeunesse. Pourtant, il n’épargne personne, quel que soit l’âge. L’écrivaine à succès Alexandra Larochelle change la donne en publiant Jusqu’à ce que ça fasse bang, un roman-choc dans lequel une jeune fille de 17 ans, qui aime son amoureux à la folie, réalise que l’amour et l’attachement peuvent prendre une couleur très sombre.
Maélia, 17 ans, découvre le monde sous des angles imprévus lorsqu’elle quitte sa région éloignée pour suivre un programme d’études à Québec. Elle adore son amoureux, Olivier. Mais il y a des trucs qui clochent, des petits drapeaux rouges qui s’agitent...
Alexandra Larochelle parle sans détour du côté moins beau des relations amoureuses et des ravages qui peuvent être causés sur le plan psychologique.
En entrevue, elle explique pourquoi elle a choisi d’écrire sur les relations toxiques qui se nouent même à un très jeune âge, et qui teintent ensuite toute la vie affective des gens concernés.
« Je pense que c’est à l’adolescence et au début de l’âge adulte qu’on se construit à ce niveau-là. Effectivement, ça laisse des traces pour la vie, les relations toxiques. Je pense que plus on est exposé à cette réalité jeune, plus on en entend parler, plus on voit de mauvais exemples, j’imagine que ça devient plus facile de la déceler en vieillissant. C’est important pour moi d’aborder ce thème, et spécialement auprès de jeunes de cet âge. »
Des pièges
Alexandra Larochelle avait cette histoire en tête depuis quatre ou cinq ans, mais a attendu le bon moment pour l’écrire.
« Elle n’était juste pas prête encore à s’extérioriser. C’est quelque chose qui me concerne, moi, mais qui concerne aussi ma meilleure chum, mais ce peut être aussi ta cousine, ta sœur, tes gars. Je l’ai écrite d’un point de vue de femme, mais évidemment, il n’y a pas de genre, pas d’âge pour tomber dans ce piège-là. »
Elle pense que son histoire va rejoindre plusieurs personnes... malheureusement.
« Je ne souhaite cela à personne. J’espère que, justement, ça va permettre à certains et certaines de réaliser certains pièges dans lesquels ils sont enlisés, ou de les éviter lorsqu’ils se présenteront, plus tard, dans leur vie. »
La toxicité s’installe jeune dans les comportements.
« C’est très insidieux et ça s’installe sournoisement, dans beaucoup de sphères de la relation. Je l’illustre un peu à travers le livre, mais ça peut prendre différentes formes. On pense beaucoup à la violence physique, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Je pense que c’est encore plus difficile à détecter quand il n’y a pas de violence physique. »
« Ça peut commencer très jeune, mais ça va marquer une personne pour toujours. Donc si mon histoire peut permettre à certaines personnes d’éviter de tomber là-dedans, eh bien, mon travail va être fait. »
Les mots, aussi, peuvent blesser. Même Olivier, personnage du roman, se dévalorise lui-même.
« C’est quelque chose qui est progressif et qu’on ne voit pas aller... Ce sont parfois des petits comportements tous excusables, qui ne sont pas si graves en soi quand on prend chaque événement isolément et que tu ne prends pas de recul. Mais quand tu regardes le portrait global, ça n’a pas de bon sens, finalement. »
Elle décrit l’emprise.
« C’est ça que je voulais transmettre à travers cette histoire et je voulais que le lecteur ou la lectrice se fasse aussi prendre au piège. Oli est charmant et on a envie de l’aimer. À chaque truc qui se passe, on se dit que c’est pas si pire... Finalement, on se rend compte que ça n’a pas aucun sens. »
- Alexandra Larochelle vit à Québec.
- À 14 ans, elle avait déjà vendu plus de 100 000 exemplaires de sa première série jeunesse.
- Après une pause d’environ huit ans, elle est revenue à l’écriture avec une série pour jeunes adultes, avant de se replonger dans la littérature jeunesse avec Trucs de peur et Troisième étoile.
EXTRAIT

« Un peu plus tard, à six ou sept ans, j’ai assisté au mariage de ma cousine Marie-Pierre, tsé, celle qui reste à Saint-Siméon au bord de l’eau ? C’était mon premier mariage et je me rappelle d’avoir été un peu sous le choc pendant l’échange des vœux. Je me suis mise à genoux sur le banc d’église pour chuchoter à ma mère :
– Ils vont pas vraiment rester ensemble jusqu’à ce qu’ils meurent ?
Ça a fait rire Carole, qui s’est penchée vers moi pour me chatouiller l’oreille avec son souffle à la menthe.
– Ben oui, ma coucoune, c’est ça, un mariage.
– Ils vont pas être tannés de se voir, à la longue ? »