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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Roi Charles III: le Canada comme au temps de la colonie

Le roi devait affirmer notre souveraineté, il illustre notre insécurité

Photo MEGA/WENN
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Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

2025-05-24T04:00:00Z
2025-05-24T04:05:00Z
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Oyez! Oyez! Le roi, «notre» roi, débarque dans la capitale (la fédérale). Tout y sera: une garde d’honneur de 100 militaires, la fanfare, la salve de 21 coups de canon, 28 chevaux de la GRC.

À l’aube du mandat de Mark Carney, le Canada veut se projeter dans l’avenir, celui d’un Canada qui retrouve sa prospérité, mais il le fait à coups de symboles révolus, d’un carrosse du siècle dernier tiré par des chevaux.

«Cet honneur historique correspond à la gravité de notre temps», affirmait Mark Carney en annonçant la visite royale.

Le problème, c’est que l’argument ne tient plus la route.

Anachronisme

Remettons les pendules à l’heure. Le roi Charles n’est pas un roi étranger. Constitution oblige, il est le roi du Canada. On vit avec.

N’empêche, il demeure d’autant plus surréel d’invoquer ce symbole colonial que le Canada figure parmi les pays du Commonwealth à afficher un des plus faibles appuis envers la monarchie. Un sondage Léger de 2023 révélait que 81% des Canadiens n’ont plus de sentiment d’appartenance envers cette institution d’une autre époque.

Et pourtant, tout le pays était jaloux de voir le premier ministre de la Grande-Bretagne brandir son invitation pour une visite d’État, dîner au palais de Buckingham inclus, pour amadouer Donald Trump dans le Bureau ovale.

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Si le roi sert la diplomatie britannique, pourquoi pas la nôtre? La question était d’autant plus légitime que le pleutre premier ministre Sir Keir Starmer n’a même pas osé défendre la souveraineté de son allié de l’OTAN face au narcissique président.

Or, deux mois plus tard, le Canada est ailleurs. Les États-Unis sont ailleurs.

51e État

Les masques sont tombés. Plus personne ne croit sérieusement à la menace d’annexion.

Le Canada, 51e État, s’est révélé être une lubie du président. Lui-même l’a admis aux côtés de Mark Carney.

Pire, son ambassadeur au Canada nous demande de tourner la page dans une entrevue accordée à CBC.

«Passons à autre chose. Si les Canadiens veulent continuer à en parler – c’est leur affaire. Moi, je n’en parle pas; Donald Trump n’en parle pas.»

Pire, au sujet de la visite du roi, il ajoute: «S’il y a un message là-dedans, il y a des moyens plus faciles d’envoyer des messages».

Vraies affaires

Finalement, loin de consacrer la souveraineté du Canada, la visite du roi Charles III en incarne toutes les insécurités. Un petit pays qui rêve d’une grande influence, sans que ça coûte trop cher.

L’OTAN sans l’armée qui va avec. L’ONU sans contributions substantielles. La superpuissance énergétique sans le culot d’aller jusqu’au bout.

L’image d’un premier ministre Carney, tout fier aux côtés du roi Charles III, sera d’autant plus maladroite que la monarchie incarne le contraire de ce que promet le nouveau premier ministre.

Un Canada fort, un Canada riche, un Canada audacieux, c’est le contraire d’un Canada qui se réfugie dans les jupons de la monarchie britannique.

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