Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Rire «entre Noirs»

Partager
Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2025-04-29T23:00:00Z
Partager

Saviez-vous que l’École nationale de l’humour avait offert gratuitement une formation de neuf semaines, d’une valeur de 4500$, à dix humoristes en herbe? 

Vous êtes vous-même un aspirant humoriste, vous en arrachez financièrement, vous auriez adoré une formation gratis, mais vous n’avez jamais entendu parler de ce programme? C’est normal, il est réservé aux Noirs! Pour permettre aux Noirs de rire «entre Noirs». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une aspirante humoriste... noire.

Je suis un «eux»

C’est en lisant Le Devoir, un journal qui dénonce toujours la discrimination selon la race, que j’ai appris l’existence de ce programme qui discrimine selon la race.

«Rire en scène, en collaboration avec l’École nationale de l’humour, a permis à 10 participants, le temps d’une journée par semaine pendant neuf semaines, de comprendre les rouages d’un numéro humoristique, de trouver son persona, de gérer son corps dans un espace scénique».

J’ai vérifié, c’est vrai. «La Fondation Dynastie et l’ÉNH ouvrent un programme pour les personnes issues des communautés noires».

Voici les critères pour ce programme. «Avoir 18 ans et plus. S’identifier comme étant une personne issue des communautés noires».

Hé oui, mesdames et messieurs, «une formation d’une valeur de plus de 4500$ offerte gracieusement», on ne donne pas ça à des privilégiés blancs! Ni à des latinos! Ni à des Asiatiques!

Publicité

La chroniqueuse Vanessa Destiné a eu le privilège (je veux dire l’opportunité) de bénéficier de ce programme, dont les mentors étaient les humoristes Eddy King et Richardson Zéphir.

Elle déclare au Devoir: «Apprendre entre Noirs, ça permet de se rassurer et de se valider. Parfois, les Blancs ne nous trouvent pas drôles. Ce n’est pas parce qu’on ne l’est pas. Parfois, c’est parce qu’on ne l’est pas pour eux.»

Je ne savais pas qu’avec ma peau couleur de lait j’étais un «eux». Ça m’a fait un petit choc.

Misère! Ça fait des décennies que je ris des blagues d’humoristes noirs sans jamais m’attarder une seule seconde au fait qu’ils sont Noirs! Suis-je normale, docteur?

Je me pose des questions que je ne me posais jamais avant: quand Normand Brathwaite, Anthony Kavanagh ou Boucar Diouf me font rire, est-ce parce qu’ils sont Noirs ou indépendamment du fait qu’ils sont Noirs?

Le Devoir a demandé à Vanessa Destiné pourquoi elle avait postulé pour cette formation. «J’avais commencé à faire des chroniques humoristiques à La journée (est encore jeune), et je sentais que j’avais besoin d’outils pour “puncher” davantage».

Et qu’a-t-elle appris lors de cette formation «réservée aux Noirs»? «Même des concepts de base. J’avais tendance à faire de trop longues énumérations. Là, j’ai appris la règle de trois de l’humour.»

Si ce sont «les règles de base», en quoi sont-elles différentes selon la couleur de votre peau?

Entre Noirs

La conclusion de Mme Destiné m’est allée droit au cœur: «De la même manière qu’on ne s’exprime pas de la même façon si on est juste entre filles ou si on est dans un groupe avec des hommes, on s’exprime différemment entre Noirs».

Et Le Devoir qui s’extasie sur cet «entre-soi temporaire»!

Je pose la question: l’entre-soi, c’est bien ou c’est mal?

Ou c’est à géométrie variable selon la couleur de peau de ceux qui font de l’entrisme?

Publicité
Publicité