Revoilà Lothaire Bluteau
L’acteur est revenu tourner au Québec pour la première fois depuis des années


Maxime Demers
Depuis 40 ans, Lothaire Bluteau mène une carrière atypique qui l’a amené à bourlinguer aux quatre coins du monde. Se faisant très rare sur les plateaux de tournage québécois, l’acteur de Jésus de Montréal était de passage au Québec la semaine dernière pour défendre un des rôles principaux du film La fonte des glaces, aux côtés de Christine Beaulieu et Marc Béland.
Lothaire Bluteau était déjà de retour à New York – où il vit depuis une trentaine d’années – quand Le Journal s’est entretenu avec lui la semaine dernière. L’acteur de 65 ans venait de passer quelques jours à Montréal et à Sorel pour participer au premier bloc de tournage de La fonte des glaces, second long métrage du réalisateur François Péloquin (Le bruit des arbres), coécrit avec Sarah Lévesque.
Bluteau incarne dans le film un ancien meurtrier qui tente de revenir sur le droit chemin avec l’aide d’une agente de libération conditionnelle responsable d’une aile expérimentale de réhabilitation.
«C’est un sujet [la réhabilitation des criminels] qui n’a pas été abordé souvent dans le cinéma et qui est ici traité de façon audacieuse, confie Lothaire Bluteau en disant avoir été séduit par le scénario. J’aime ça, les gens qui prennent des risques. J’aime aussi quand on apprend quelque chose en regardant un film.»
Les scènes tournées la semaine dernière serviront à construire la dernière partie du film, campée en été. En février prochain, François Péloquin retrouvera son trio d’acteur pour tourner l’essentiel du long métrage. Il se considère privilégié de pouvoir compter sur Lothaire Bluteau pour incarner un personnage central de son film.
«Quel cadeau!, lance le cinéaste. C’est vraiment un acteur exceptionnel. Quand il joue, il est parfaitement vrai et investi. On sent les émotions dans ses yeux, dans sa gorge. On sent aussi la vie qui l’a marqué. C’est très beau. C’est un être vraiment particulier.»

L’appel de l’Europe
Lothaire Bluteau n’avait pas joué dans un film québécois depuis des lunes. Son dernier grand rôle au cinéma québécois remonte à 1995 dans Le confessionnal de Robert Lepage. Ce n’est pas qu’il boude sa province natale, bien au contraire. L’acteur dit simplement ne pas avoir reçu beaucoup d’offres du Québec ces dernières années. «J’ai travaillé davantage en Europe parce que j’ai reçu plus d’offres là-bas, explique-t-il simplement.
«À Montréal, les gens ne m’approchaient pas. Je sais que ce n’était pas par méchanceté et je ne m’en plains pas parce que ça m’a permis de faire plein de choses intéressantes ailleurs. Mais je crois qu’au Québec, les gens pensaient que je n’accepterais pas parce que je faisais des gros films à l’étranger. Pourtant, j’en ai fait plein de petits films ailleurs parce que le scénario m’intéressait. Je ne fais pas ce métier pour l’argent ni pour avoir du succès.»
Le goût du risque
Depuis le début de sa carrière, Lothaire Bluteau a toujours été animé par le désir «d’aller voir ailleurs». En 1989, le succès international de Jésus de Montréal (de Denys Arcand) lui a ouvert plusieurs portes à l’étranger. L’acteur n’a alors pas hésité à se lancer dans une carrière internationale qui l’a amené à jouer des rôles aussi variés qu’un empereur de Francie occidentale dans la série Vikings, un terroriste dans la série d’action 24 ou un ambassadeur français dans la série historique Les Tudors.
«Je ne crois pas qu’on a la carrière de notre talent, observe l’acteur. On a plutôt la carrière de nos envies et de notre personnalité. S’il y a des choses qui t’intéressent dans la vie, sans t’en rendre compte, tu vas faire des choix qui vont te pousser à explorer ces champs d’intérêts. Moi, j’avais le goût de faire des films sur la Seconde Guerre mondiale parce que c’est quelque chose que je n’ai jamais compris. J’en ai fait, puis ça m’a amené à en faire un autre, puis un autre...»
Ces longs mois de tournage passés souvent loin de chez lui et de ses amis et de sa famille n’ont pas toujours été faciles.
«C’est dur en criss de faire le métier que j’ai fait de la façon que je l’ai fait, de me promener d’une ville à l’autre en étant tout le temps tout seul, admet-il. Il n’y en avait pas d’internet quand j’ai commencé. Quand j’allais tourner pendant trois mois en Russie, personne ne venait me rejoindre. C’était rough mais j’ai été chanceux parce que ça m’a permis de faire des films que je trouve encore beaux. Et même quand ça n’a pas marché avec le public, je n’avais pas honte parce que j’ai pris une chance et que j’ai essayé quelque chose que je trouvais risqué et riche. Ça ne me fait rien de me péter la gueule quand je prends un risque. C’est toujours honorable de prendre une chance.»
Le tournage du film La fonte des glaces se poursuivra à Montréal en février.