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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Victor-Lévy Beaulieu: revisiter le mois d’octobre 1973

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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-04-01T04:00:00Z
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Dans son 98e ouvrage, Poisson d’octobre en maraude chez les francs Gaulois, le talentueux, authentique, original et sincère écrivain Victor-Lévy Beaulieu revisite le mois d’octobre 1973 et le moment où il a senti, profondément, qu’il est «venu au monde». Il avait 28 ans et travaillait dans une maison d’édition montréalaise. Le Québec devait se prononcer sur son avenir politique. Ce fut un raz-de-marée libéral, le Parti Québécois ne conservant que six sièges à l’Assemblée nationale. Et VLB eut une espèce d’épiphanie. 

• À lire aussi: Victor-Lévy Beaulieu se voit refuser le Grand prix de la langue française en raison de son état de santé

En entrevue téléphonique de sa résidence de Trois-Pistoles, Victor-Lévy Beaulieu raconte avec toute la verve et l’humour qu’on lui connaît la genèse de ce roman absolument savoureux. Payez-vous la traite, lisez-le et replongez dans l’effervescence, la tension politique et le climat social du Québec des années 1970. VLB est inimitable.

Quoi de neuf, Victor-Lévy? «J’ai vieillardi... Je suis deviendu vieux», dit-il avec humour. «Ils disaient ça quand j’étais jeune. C’est un reste de vocabulaire de Normandie. Reviendre. Viendre. Ça se disait dans ma famille ; c’était des Normands et des Bretons, t’sé. Je suis un Beaulieu dit Hudon.»

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À 77 ans, VLB offre à ses lecteurs ce livre qui témoigne de son originalité, de sa créativité, de l’immense pouvoir évocateur de sa plume et de sa mémoire exceptionnelle. 

Le livre est né un jour, au fil d’une conversation, lorsqu’il a eu un flash. «Je pense que c’est pas en naissant, en venant au monde, qu’on naît vraiment. Notre naissance, on la fait quand on est plutôt adulte, qu’on devient. Pour devenir, faut que tu sois un peu. Mais quand tu viens au monde, ce que tu peux être dans la vie peut être bien différent, selon ci, selon ça, et en premier lieu selon les gènes que tu as reçus.»

La naissance comme individu arrive plus tard dans ta vie, affirme-t-il. 

«Je suis devenu ce que je suis en 1973. Non seulement j’ai fait le choix de ce que je voulais faire dans la vie, mais je suis arrivé à le faire. Ça a tout orienté ma vie. Pour moi, 1973, c’est l’âge où je suis né vraiment. Ma mère m’a donné la vie en 1945, mais en 1973, je me suis donné ma vie à moi. Et j’ai décidé de le raconter.»

Un mois décisif

Victor-Lévy Beaulieu précise que ça l’intéressait de revivre ce moment pour lui-même. «L’année 1973 a été le moment des décisions, après la défaite du PQ en 1973. Tout se passe dans le mois d’octobre. Aux élections de 1973, le PQ avait été lavé. René Lévesque n’avait même pas été élu.» 

À cette époque, il travaillait pour Jacques Hébert, un ami de Pierre--Elliott Trudeau, aux Éditions Le Jour. « Le lendemain, je suis allé aux Éditions et j’ai donné ma démission. J’ai dit : je ne travaille plus pour un fédéraliste de toute ma vie. Fini. Bon. »

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«Je suis parti de là et je suis allé porter des manuscrits et des pièces de théâtre que j’avais promis à Jean-Claude Germain et à Michèle Rossignol. J’ai pris l’avion et je suis allé à Paris, où on publiait mon livre sur Kerouac. J’y suis allé pour le lancement de mon livre, et c’est de ça que je parle dans l’ouvrage.»

Satori à Paris

Il avait apporté Satori à Paris, de Kerouac, dont il n’avait pas parlé dans son livre. «Je l’ai lu dans l’avion et à Paris, et j’ai décidé de faire le même trajet dont Kerouac parle dans le livre. Et c’est comme ça que je me suis rendu en Bretagne et en Normandie.» 

Et c’est ainsi qu’il a aussi exaucé le vœu de Kerouac, qui souhaitait écrire au sec au bord d’une plage à minuit, pendant une tempête, en enveloppant carnet et crayon dans un sac à poubelle. «Je l’ai fait pour lui. J’étais très content de moi ! Ce que j’ai écrit dans le livre à la fin, je l’ai vraiment fait.» 


♦ Victor-Lévy Beaulieu est un écrivain, dramaturge et éditeur.

♦ Il habite à Trois-Pistoles, dans le Bas-Saint-Laurent.

♦ On lui doit près d’une centaine d’ouvrages et de nombreux téléromans à succès, dont Race de monde, L’Héritage, Montréal P.Q., Bouscotte et la minisérie Louis Cyr, écrite en collaboration avec Paul Ohl.

EXTRAIT

Photo fournie par les Éditions Trois-Pistoles
Photo fournie par les Éditions Trois-Pistoles

«Ce soir-là du scrutin – le 29 octobre 1973 – ma Belle Blonde et moi-même, nous sommes assis dans les estrades du Centre Paul-Sauvé rempli à craquer. Loin devant nous, un gigantesque écran qui nous permet de voir en temps réel le dévoilement du scrutin – pas fou de ce genre de rassemblement ; on y devient tous de grands animaux criards et heureux de virer sur le top pour un rien – heureusement que ma Belle Blonde a eu l’idée d’apporter dans son espèce de portuna qui ne la quitte jamais une pleine bouteille de vodka – entre deux manifestations du bon peuple péquiste, ma Belle Blonde et moi, nous buvons à tire-larigot une gorgée d’alcool – saouls tels deux robineux du carré Viger nous serons quand René Lévesque prendra la parole, éreinté par un mois de campagne électorale et le résultat des élections – 102 députés libéraux élus et sept seulement pour le Parti Québécois dont le chef a mordu la poussière pour la deuxième fois dans le comté de Mercier qui n’est pourtant peuplé que de francophones!»

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